vendredi 23 octobre 2009
Conférence «Une hyperprésidence à la française: Sarkozy = Obama + Poutine?»
J'ai trouvé cette conférence de Mr. Claude Emeri extrêmement intéressante. Il nous définit le modèle politique français et nous en explique l'évolution depuis De Gaulle. Cela dure une heure, mais je vous recommande de l'écouter jusqu'au bout, vous ne le regretterez pas. Il nous parle de démocratie passée, de monocratie et de monarchie élective actuelle et de webcratie future...
http://tv.uqam.ca/?v=52576
Bonne écoute !
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jeudi 22 octobre 2009
Les émigrés africains transfèrent chaque année 40 milliards de dollars dans leurs pays d'origine
Dans les premiers d'économie, ce que le professeur explique aux étudiants c'est que les ressources que nous avons sur terre sont rares et que la science économique nous donne les outils nécessaires pour une utilisation efficace et optimale de ces ressources. Les outils sont là et sont suffisamment bien utilisés par certains. Pour d'autres, il y a encore un monde entre la théorie et la pratique. Nous avons encore beaucoup de travail à abattre pour la croissance et la réduction des inégalités en Afrique. Surtout au niveau des choix de politiques économiques.
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Les émigrés africains transfèrent chaque année 40 milliards de dollars dans leurs pays d'origine
'Afrique reçoit des sommes considérables des migrants partis travailler sur d'autres continents, mais le manque d'information, de concurrence et de régulation empêche cet argent d'agir pleinement sur le développement. C'est ce que révèle un rapport de l'International Fund for Agricultural Development (IFAD), publié jeudi 22 octobre à l'occasion d'un forum sur les transferts de fonds organisé à Tunis par cette agence de l'ONU, pour mobiliser banques centrales et gouvernements sur la question.
La première surprise de ce rapport tient en un chiffre : d'après l'IFAD, 40 milliards de dollars (26,7 milliards d'euros) sont envoyés chaque année à leurs proches par les émigrés africains. Ce montant était jusqu'alors inconnu, mais il était estimé entre trois et quatre fois moindre.
"L'Afrique avait toujours été une énigme en ce qui concerne les transferts de fonds", explique Pedro de Vasconcelos, économiste à l'IFAD et coauteur de ce premier état des lieux. "On les évaluait généralement entre 10 milliards et 17 milliards de dollars. Même les banques centrales africaines n'avaient aucun chiffre."
Ce manque d'information a des conséquences en cascade : "L'impact des transferts est colossal, mais sous-utilisé. L'argent est là; le problème, c'est le manque d'options. N'ayant pas conscience des montants en jeu, les gouvernements ne se préoccupent pas de réguler le marché ou de rendre ces sommes productives, pas plus que le secteur privé", explique M. de Vasconcelos.
Résultat, le marché des transferts est détenu à 64 % par deux acteurs seulement, Western Union et MoneyGram. Faute de concurrence, le taux des commissions est d'environ 10 % en moyenne en Afrique – où il peut même atteindre 25 % –, contre 5,6 % en moyenne dans le monde.
"Si on réduit ce taux de moitié, 2 milliards de dollars de plus arrivent dans la poche des familles chaque année, résume l'économiste de l'IFAD. En Amérique latine, l'ouverture du marché a fait chuter les taux de 15 % à moins de 5 %."
La concurrence aurait un autre avantage : la multiplication des points de retrait, dont les zones rurales africaines sont largement dépourvues. Or un tiers des transferts sont destinés à des familles rurales. "Le Mexique dispose d'autant de points de retrait que toute l'Afrique, avec une population dix fois moindre", compare M. de Vasconcelos. "Pour beaucoup d'Africains, aller chercher cet argent, c'est un ou deux jours de travail perdus."
L'agence des Nations unies propose de transformer les bureaux de poste en points de retrait, alors qu'ils n'en ont aujourd'hui pour la plupart ni le droit ni les moyens. L'IFAD vient de signer un accord avec l'Universal Postal Union pour travailler en ce sens.
D'autres solutions existent. Au Kenya, le téléphone mobile devient un des moyens les plus économiques d'effectuer des transferts d'argent. Le Kenya est aussi un des rares pays à autoriser les institutions de microfinance à opérer ces envois de fonds. Dans toute l'Afrique, ces organismes ne forment que 3 % des points de retrait. Leur ouvrir le marché des transferts suffirait à doubler le nombre de guichets, selon l'IFAD.
Surtout, au lieu d'un simple mécanisme de consommation, "cela créerait une dynamique locale d'épargne et de microcrédit, qui donnerait une tout autre dimension à l'économie", estime M. de Vasconcelos.
Car si l'essentiel de l'argent des transferts de fonds sert à faire face à des dépenses de première nécessité – nourriture, logement, santé ou éducation –, "5 à 10 milliards de dollars sont disponibles pour l'épargne et l'investissement", selon le rapport. Des sommes capitales en pleine crise économique, alors que l'aide publique au développement s'essouffle et que les investissements directs étrangers s'effondrent.
Les transferts des migrants souffrent eux aussi : ils ont chuté de 12,7 % depuis le début de l'année selon l'IFAD. Un choc d'autant plus rude que ces envois avaient connu une croissance moyenne de 17 % dans le monde depuis dix ans, et que "par rapport à d'autres régions, l'Afrique dépend vraiment des transferts de fonds", précise M. de Vasconcelos.
La BAD tente de remédier à se problème: Voir cet article
Intéressant de voir d'ailleurs dans cet article le rôle de la France, ancienne puissance coloniale, dans la régulation de ces fonds...
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mercredi 21 octobre 2009
Lancement de "L'Exil"
Aujourd'hui, j'aimerai partager avec vous la vidéo du lancement de mon premier roman, "Partis Trop Tôt, Trop Loin: L'Exil". Ce fut une très belle soirée, super bien organisée par les Conceptions KB - vous l'avez deviné, KB c'est pour la journaliste Khady Beye:
http://www.editionsphoenix.net/videos/ndack/exil/lancement.html
Je suis aussi passée à l'émission Tam-Tam Canada de Radio Canada International avec Raymond Desmarteau:
http://www.rcinet.ca/rci/fr/emissions/archives/archivesDetails_1946_15102009.shtml
Je suis passée au début de la deuxième partie de l'émission.
Bonne écoute !
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dimanche 11 octobre 2009
« À cœur ouvert » avec Aziz Salmone Fall
Voici une entrevue avec M. Aziz Salmone Fall que j'ai trouvée sur le site du Regroupement Général des Sénégalais du Canada (RGSC). Je la partage avec vous (Tous droits réservés par le RGSC).
Son engagement politique est tout simplement remarquable.
10 décembre 2005
Entrevue avec :
M. Aziz Salmone Fall
(que ses amis appelent Z tout simplement)
Aziz S. Fall est aussi reconnu par sa grande disponibilité ainsi que pour son intégrité, son professionnalisme, son humilité et sa simplicité. Mais peu de gens ici connaissent son passé de batteur dans les années 1975 à 80, alors qu’il jouait avec son frère guitariste pour le groupe « Damels », l’un des premiers groupes de Jazz fusion au Sénégal. Durant des années, ce groupe animait les intermèdes à la télé.
M. Aziz S. Fall, merci infiniment de bien vouloir répondre « à cœur ouvert » à nos nombreuses questions afin de nous permettre de mieux vous connaître et partager votre expérience avec vos frères et sœurs sénégalais et sénégalophiles. Nous savons qu’il n’est pas toujours facile de se livrer à cœur ouvert comme vous allez le faire, mais quelle joie de pouvoir partager son expérience personnelle de vie et de permettre à la communauté sénégalaise de se connaître mieux!
RGSC : Racontez-nous un peu votre vie au Sénégal.
Je crois que j’ai eu une enfance et une adolescence heureuse, mais préoccupée de la condition de mon peuple. J’étais rebelle, portait un collier que je m’étais fabriqué, des chemises et des pantalons modernes, mais des babouches. Les parents découragés haussaient les épaules. Mais derrière mon air d’artiste et de philosophe blasé, je cachais ma vie politique clandestine, mon faux nom, mes convictions, mes contacts, etc. D’ailleurs, je n’en ai parlé publiquement pour la première fois que chez moi l’autre jour, devant quelques compatriotes, alors que nous recevions l’ex-ministre Awa Dia Thiam de passage à Montréal. Nous faisions partie de la même cellule et je ne l’avais pas revu depuis l’adolescence. À la fin de celle-ci, pour m’éloigner de ces groupes radicaux, mon père m’avait recommandé sous les conseils de notre voisin le Dr Diallo, compagnon de Cheikh Anta Diop, de prendre la carte du RND. Je le fis, mais n’ai jamais vraiment milité dans ce parti. J’ai d’ailleurs quitté le pays peu de temps après, et jusqu’à présent ne suis membre d’aucun parti politique.
J’ai eu une éducation stricte. Peu de gens savent en effet ce qui suit. Mon père descendant de monarques du Baol et du Cayor semblait avoir des réserves à nous voir jouer de la musique, d’autant qu’à cette période des années 70, les groupes, même modernes, chantaient les louanges des gens pour de l’argent, comme des griots. Mon frère Bouba qui était un surdoué musical, s’était fabriqué une guitare, jouait déjà des airs de Santana et voulait visiblement en faire sa carrière. Le père a tout découvert un jour où il est arrivé à l’improviste et où nous jouions, un classique du répertoire local, Mane Sane Gissé, mais avec une touche jazz. Agréablement surpris, mais prudent, il nous a autorisé à ne jouer que la fin de semaine et à condition qu’il n’y ait aucune incidence négative sur notre cursus scolaire. Nous devions avoir autour de 11 –12 ans, jouions autodidactes aussi bien que des adultes, et on nous regardait dans le quartier avec curiosité. Nous sommes passés à la télé noir et blanc à Kaleidoskope à cet âge là avec des instruments acoustiques, sous le nom des Salmones -c’était l’époque des Jackson Five-. Jusque là c’était un jeu. Puis un jour, Tanor Dieng, qui était à l’époque instituteur de mon frère et se lançait comme impresario du Sahel, a convaincu notre père de lâcher un peu du lest et nous laisser essayer. Mais papa avait peur du milieu, de la drogue, de l’alcool et des fréquentations. Nous avons quand même formé un quartet avec comme bassiste Badou Diop et Jean Louis Thiam guitare d'accompagnement. Et dès que notre père allait chez sa co-épouse ou en voyage, on transformait la maison en salle de répétition, avec les moyens du bord, ressuscitant des magnétos et des transistors et en faisant des amplis. Moi j’avais construit ma propre batterie au début. Je suis reconnaissant à notre mère qui nous a beaucoup enduré. La vie privée était finie, bien des jeunes des quartiers environnants encerclaient la maison. Il y avait d’ailleurs peu de prestation en public : l’université, quelques lycées et évènements communautaires et une seule fois au théâtre Sorano, qui fut d’ailleurs un fiasco. Nous avons ensuite enregistré, dans des conditions modestes et fait, je crois bien, le premier vidéo play back de la TV sénégalaise avec Maguette Wade. La TV n’avait même pas le moyen, ce jour là, d’avoir des enceintes pour diffuser en plein air, et c’est avec un haut-parleur rustique dominé par le vent de la plage de Ngor, que nous devions reproduire notre propre musique. C’était plus dur pour moi, car si les autres n’étaient pas branchés à un ampli et devait correctement mimer les notes, je me devais, moi, de jouer à la batterie, pas trop fort pour qu’on puisse entendre tous. Des années durant, des extraits de cette cassette passèrent à la moindre panne ou interlude, y compris dans des pays voisins. On n’a jamais reçu une royalty dessus, on aurait peut être été riche. Je sais par contre que nous avons eu une influence discrète mais réelle sur bien des jeunes musiciens ou mélomanes, et même des artistes devenus célèbres depuis, comme Ismaël Lo, Cheikh Tidjane Tall, Wasis Diop Habib Faye de Youssou Ndour ou feu Prosper du Xalam… Aujourd’hui, parfois quand je peux me le permettre, je joue quelques instruments et les enregistre sur un logiciel multipistes. Je n’ai jamais perdu espoir de produire quelque chose juste pour le fun… mais je n’ai vraiment pas le temps…un jour peut être comme les gars de Buena Vista Social Club autour de 75 ans…si je tiens jusque là…
RGSC : Avez-vous voyagé avant d'arriver au Canada?
Oui, comme je l’ai dit dans ces pays arabes, mais aussi quelques escales en Europe et un bref séjour aux îles canaries.
RGSC : Quel fut votre cheminement pour arriver au Canada ? Pourquoi l'avoir choisi ?
Mes parents voyant ma politisation grandissante étaient convaincus que l’université de Dakar serait potentiellement dangereuse. D’ailleurs l’année avant le Bac, j’avais sans permis ni permission, pris la voiture de mon père pendant qu’il faisait la sieste, pour livrer des tracts de grève au pavillon de droit à l’université. Dans le virage, il y avait un type à motocyclette dans mon espace et en l’évitant, j’ai mordu sur le sable glissant. À l’allure où j’allais, j’ai fait un tonneau, abattu un des rares arbres de l’endroit. La voiture était une perte totale, je suis sorti indemne par la vitre arrière. Quand mon père a vu la voiture il a arrêté de me gronder, j’aurai dû y passer. Bref, ce fut un bon argument pour aller étudier ailleurs. Je voulais justement ne pas partir en France, comme bien de mes collègues. Une aversion pour le néo-colonialisme probablement. J’avais entendu parler de la déportation des acadiens et avais une certaine sympathie pour le Canada, puisque enfant je lisais les aventures de Blek le Roc (un rebelle patriote canadien français, d’ailleurs méconnu ici en raison de la censure canadienne). De plus un aîné, voisin et parent éloigné Lamine Fall y était depuis un petit moment et réussissait bien, tout cela plaida ma cause. J’ai pu dès l’obtention de mon Bac aller à Moncton au Nouveau Brunswick. Il y avait alors Dany Senghor, le seul sénégalais qui venait de quitter la ville, j’ai demandé à prendre sa chambre à la résidence universitaire.
C’était en 1982 et pour moi soudain une grande liberté, car malgré la musique etc., nos parents ne m’autorisaient que très exceptionnellement à sortir le soir ou à voyager seul. Ce fut donc l’aventure. La photo du prospectus universitaire donnait l’impression que Moncton était une grande ville. Comme j’arrivais par New York et Montréal, j’avais déjà une idée démesurée des villes, et je fus vite déçu de la taille de Moncton. Mais elle était très attachante, un îlot de francophonie, qui venait de perdre son journal local Evangéline, alors que l’université sortait d’une longue grève. Premier choc. Il y avait un ratio surprenant de gais, et beaucoup de filles par rapport aux hommes. D’ailleurs, c’est là au kachot, la boite du campus, qu’à ma première soirée, trois filles sont venues, tour à tour me demander à danser. Je croyais même que c’était une initiation de mes collègues de la Fac. Il n’en était rien. Quand on vient d’une époque où le bal obligeait d’asseoir les filles d’un côté et les garçons de l’autre, (et où il fallait se faire d’abord refuser une danse pour en obtenir la prochaine, pendant qu’un adulte allumait brusquement la lumière pour décourager les initiatives trop cavalières), une telle liberté est pour le moins inattendue.
J’avais vu la neige à Beyrouth, mais je me rappelle bien de la première fois ou j’ai gelé. J’étais allé avec un copain faire des courses en espadrille fin octobre et à notre retour, le mercure était tombé sous 0. Je me suis aperçu que quand je riais mon sourire restait figé comme un rictus. Arrivé en résidence, on a mis nos pieds transis devant le calorifère. Chose à ne pas faire. On apprend vite. Et comme je suis très mince, depuis lors l’hiver, je disparais sous bien des épaisseurs.
Aujourd’hui je fais du ski de fond, et résiste relativement bien. Je préfère toutefois le printemps à toutes les saisons.
J’ai tout de suite adopté le pays, y compris l’hiver que je continue d’apprivoiser surtout à compter de février. C’est un pays magnifique, avec une population attachante dont certains pans vit encore les complexes d’infériorités de toute nation qui a été aliénée et qui s’affirme. Les femmes semblent à prime abord plus ouvertes que les hommes, surtout si on ne partage pas le goût prononcé pour le hockey, la bière ou les voitures.
J’ai tout de suite sympathisé avec la cause des amérindiens, mis en réserves ou classifiés sur différents statuts, car ils ont servi à créer le modèle d’apartheid en Afrique du Sud. J’ai été dégoûté de voir que la caisse de dépôt de placement du Québec, comme bien d’autres intérêts économiques et politiques soutenaient l’apartheid. Il y avait alors des restrictions aux étudiants étrangers de faire de la politique, et les associations étudiantes africaines de l’époque respectaient relativement ces critères. Avec un groupe d’amis, j’ai alors fondé le GRILA (groupe de recherche et d’initiative pour la libération de l’Afrique) en 1984, et on s’est attelé à combattre ouvertement tous les lieux qui soutenaient l’apartheid. Très vite le GRILA a pris de l’importance, "backé" par l’ANC, et s’alliant à des organismes locaux. Nous avions la préoccupation qu’il ne fallait pas que les africains fassent partie du problème en étant ici une fuite de cerveau ou une simple courroie de reproduction de nos régimes politiques. C’était l’époque où l’ANC d’Afrique du Sud ou les mouvements de libération contre le colonialisme portugais ou pro-apartheid étaient ici considérés terroristes, mais aussi l’année de l’avènement de la révolution Sankariste en Haute-Volta qui devint Burkina Faso. Le travail s’est donc intensifié et diversifié. C’est ainsi que nous avons contribué à influencer la politique canadienne qui a fini par devenir le fer de lance de la lutte anti-apartheid en Occident, puisque Joe Clark, Walter Mc Lean et Brian Mulroney ont adopté notre plate-forme anti-apartheid.
Nous avons donc vécu l’Afrique ici, tout en apprenant à connaître le Québec, à aider ses aspirations à l’autodétermination. Ce travail d’activisme m’a permis de sillonner le Québec et d’aller à la rencontre de sa société civile, et obtenu de faire de Montréal une ville anti-apartheid et même d’avoir un parc nommé Mandela, face au métro Plamondon.
RGSC : Pourriez-vous nous présenter votre famille?
Mon père Salmone Fall a grandi élevé par sa grand-mère à St- Louis, et a peu connu son père, gazé à la première guerre mondiale. Il a fait la seconde guerre mondiale dans la marine, a été coulé à Dunkerque et a survécu avec une poignée de soldats dans les eaux froides. De retour en Afrique, comme bien des jeunes panafricanistes, il a vite compris que la France ne favoriserait pas de grands ensembles politiques ni ne permettrait d’indépendance totale. Il s’est alors opposé puis a fuit chez son ami Lumumba au Congo, qui l’a naturalisé congolais et envoyé comme ambassadeur au Caire. Quand Lumumba a été assassiné, mon père a rapatrié sa femme Pauline et ses enfants au Caire. C’est là qu’il a rencontré ma mère. Elle venait de finir ses études d’histoire et géo à l’université du Caire et travaillait dans une agence de traduction durant la période des vacances. L’année d’avant Kwamé Nkrumah avait épousé une égyptienne, et donc le mariage de mes parents sous les auspices de Nasser a été un autre évènement cairote. Ensuite le Sénégal lui a donné sa nationalité et nommé en poste en Arabie saoudite et au Liban. Mais il savait qu’il ne pourrait pas tenir longtemps avec le régime senghorien et il a vite démissionné. Il a vendu ses biens et hypothéqué sa maison pour se lancer dans une entreprise de camions. A l’époque, le secteur était un monopole du régime et son affaire a coulé à pic un an plus tard. Il y a tout perdu, et ce fut une période dure où ma mère a donc été contrainte de travailler pour que la famille joigne les deux bouts, ce qu’elle fit comme professeur d’arabe au Lycée des jeunes filles de Kennedy et formatrice à l’école Normale supérieure. Maman est une femme très pieuse, de santé délicate, qui vit depuis sa retraite quasiment cloîtrée dans sa maison à prier, surtout pour nous. Elle nous a donné une solide formation coranique, mais avec une très grande ouverture d’esprit en ce sens qu’elle a accepté de débattre philosophiquement des mystères métaphysiques et des paradoxes de notre religion. Mes parents sont vraiment mes modèles, et je suis fier de les aider à mon tour. Leur intégrité, leur humanisme et leur volonté de répandre le bien autour d’eux m’influencent quotidiennement. Nous leur sommes gré mon frère Malick qui vit à Milan, ma sœur Fatma qui vit à Dakar et mon frère Bouba qui est ici avec moi. Nous sommes une famille très unie, d’une part par le caractère métisse de notre éducation et l’attachement que nous nous portons.
RGSC : Parlez-nous de votre domaine professionnel
Je suis politologue spécialisé en relations internationales. J’ai enseigné dans différentes universités (Sherbrooke, Trois Rivières, McGill et l’UQAM). En réalité, cette discipline est pour moi le prétexte à une ouverture à la multidisciplinarité. Je crois que je resterais un éternel étudiant. Bien sûr, il peut être flatteur de s’entendre dire qu’on a un savoir encyclopédique, mais moi je sais que plus j’apprends, plus je découvre combien j’ignore bien des choses. Alors je partage et continue d’apprendre. Comme consultant, j’apparais souvent dans les média et des conférences, mais j’ai un rôle plus actif et caché auprès de partis et d’hommes politiques ici et en Afrique. Dans le cadre du GRILA, je coordonne la première campagne africaine contre l’impunité -l’Affaire Sankara- avec 21 avocats et plusieurs personnalités comme Jean Ziegler, Edgar Pisani, etc. Après avoir épuisé les recours nationaux, l’affaire est pendante aux Nations Unies, où nous avons gagné sur l’admissibilité. J’ai coordonné le réseau contre l’apartheid, et je suis membre de quelques conseils d’administration, notamment le Centre de recherche Ryerson et la fondation Aubin que je préside.
RGSC : Quels sont vos intérêts et passions ? Qu'aimez-vous particulièrement?
L’Afrique, l’internationalisme, la justice sociale, ma famille, la nature.
Je me suis impliqué dans la vie politique d’une bonne quinzaine de pays africains. Au Sénégal, j’ai d’abord participé à un front pour l’alternance qui a contribué à la chute du régime Diouf. J’ai ensuite fondé avec mon camarade Ndongo Faye le mouvement des assises de la gauche au Sénégal, et une formidable équipe l’a construit. C’est dans l’histoire de la sous-région, le plus vaste projet de regroupement des partis de la mouvance progressiste au Sénégal qui tente de faire travailler ensemble plus de 80 formations politiques (www.reewmi.org). C’est un projet qui me tient à cœur. Au niveau panafricain, j’ai rédigé la première critique annotée du NEPAD, car je considère que l’Afrique fait fausse route avec ce projet et devrait plutôt avec l’Union africaine se doter d’un plan continental de développement tourné sur ses potentialités internes du continent d’abord, dans une perspective panafricaniste et autocentrée. J’aime la pensée critique de Marx, Cheikh Anta Diop, Ché Guévara, Cabral, Samir Amin, Kocc Barma Stephen Hawking, Hubert Reeves. Je crois appartenir à une génération multidisciplinaire d’internationalistes, hélas en voie de disparition. J’adore l’égyptologie l’astrophysique, la psychologie, l’écologie, la musique et le Foot-Ball. Je suis émerveillé par les dimensions de nos univers, par l’infiniment petit comme l’infiniment grand et peux passer une éternité à contempler une abeille travailler.
RGSC : Vous êtes président du GRILA (Groupe de Recherche et d’Initiatives pour la Libération de l’Afrique, www.grila.org ), pourriez-vous nous parler de cette organisation.
Non, je n’y suis que membre, il n’y a d’ailleurs pas de président au GRILA. C’est un groupe qui fonctionne sur le modèle de collectifs (sorte de comités sur des problématiques ou des évènements ponctuels). Le GRILA est une nébuleuse politique qui a des sections à Montréal, Toronto, Niamey, Dakar et Paris et beaucoup de sympathisants de par le monde. Nous ne sommes pas subventionnés et tous les camarades qui viennent autant d’Afrique qu’ils peuvent être chinois ou occidentaux y mettent du leur et ça marche. Dans ces vingt ans nous avons réalisé beaucoup de choses, des luttes pour la libération de prisonniers politiques à la confection de matériel électoral pour des partis politiques amis; du travail de lobby, ou de dénonciation que ce soit l’apartheid, de Shell au Nigeria, le pillage au Congo; la promotion de l’émancipation des femmes et le changement des mentalités masculines. Nous avons 2 émissions de radio, celle de Montréal s’appelle Amandla et émet en français et en anglais sur le web et sur bande FM le mercredi 19 h au 90,3. Nous réagissions aussi à des crises, comme récemment dans l’affaire Mailloux.
RGSC : Quelles sont vos "idoles"? Quelles personnes admirez-vous profondément?
Avec mes parents, Imhotep, Lamine Senghor, Mandela, Amin, Ché Guevara, Rosa Luxembourg, Cheik Anta Diop, Samory Touré, mais surtout les millions d’anonymes qui luttent dans l’adversité et le dénuement silencieusement en Afrique et qui pourtant gardent une vitalité et un optimisme existentiel.
RGSC : De quelle façon avez-vous entendu parler du RGSC ? Comment vous y êtes-vous intéressée?
Incidemment, j’étais à son assemblée de création. Ceux qui s’en souviennent savent que je m’étais objecté sur la stratégie, en arguant qu’il fallait d’abord regrouper les délégués de chaque association des villes canadiennes. Le temps a finalement donné raison à l’approche de ceux qui ont finalement bâti et fait évoluer le regroupement. En raison de mon groupe, dont une des exigences est de ne pas appartenir à une association nationale pour les postes d’autorité, je ne peux donc y participer pleinement.
RGSC : Enrichi de votre expérience personnelle, quels conseils donneriez-vous aux nouveaux arrivants?
Rester soi-même tout en apprenant à s’intégrer, et si on fait des enfants, leur inculquer aussi nos valeurs les plus nobles. Il faut aussi respecter les valeurs de l’accueillant. Le Québec est en construction et si ces arrivants veulent rester et y participer, il faut donc s’engager et revendiquer sa place. Autrement, il suffit de s’adapter en respectant les gens et en se faisant respecter. Il ne faut en tous cas jamais déconnecter de l’Afrique. Il faut toujours se demander en quoi est ce que je puis être utile pour ceux qui sont sur le continent. Il faut aussi apprendre à connaître et respecter les africain-américan-E-s de la diaspora. Aux jeunes, je dis de se méfier de la drogue et des fréquentations douteuses surtout basées sur l’argent.
RGSC : Quel message aimeriez-vous communiquer à l’ensemble des sénégalaises et sénégalais qui sont au Canada?
De continuer le remarquable travail, d’être les ambassadeurs de notre pays et de l’Afrique et savoir souvent que nul n’est prophète chez soi et que cet endroit peut être un tremplin. Je leur dit de suivre les traces des Bara Mbengue, Oumar Dioume, Ousseynou Diop, Aloïse Ndiaye, Khadiyatou Fall, Mountaga, Lamine Fall, Aloïse Ndiaye, Aly Sow, Amadou Oury, Aoua Ly, Gaby Sylla et bien d’autres qu’il serait long de mentionner ici, qui nous font honneur et qui sont des modèles.
Je demande à nos concitoyens de s’impliquer politiquement pour sortir le Sénégal de la crise. Et ceux qui sont progressistes de soutenir la démarche du MAG.
Un pays de paradoxes qui occupe historiquement de par ses cadres et ces moyens une position enviable dans plusieurs secteurs de la mondialisation. Je crois que le Sénégal, malgré son potentiel, s’est enfermé dans une impasse en raison de manque de projet de société, d’errements politiciens, de l’ajustement structurel et de plusieurs facteurs de sous-développement inhérents, autant à notre insertion dans la division internationale du travail que nos propres contradictions. Il y règne un mélange d’affairisme, d’instrumentalisation de la religion, de sexismes, de mœurs parfois rétrogrades (le social narcissisme, le culte ostentatoire, l’obscurantisme) et des petites politiques qui en font un cocktail défavorable aux masses et au développement. Notre peuple du fait d’avoir été exposé tôt à l’impérialisme y a contribué comme s’y est opposé. C’est une ambivalence qui perdure. C’est un pays qui perd un nombre considérable de cadres, cerveaux et forces productives. Le pays vit sous perfusion par les fonds des bailleurs de fonds et des sénégalais de l'extérieur, et le régime de l'alternance gère en fait l'enlisement, ce qui est bien, mais trés insuffisant au regard de la demande sociale et des exigences de notre développement. Un autre projet de développement, tourné sur le relèvement du niveau de vie des masses laborieuses, des femmes et des jeunes, est le seul qui pourrait infléchir le destin de notre pays en dehors des sentiers tortueux affairistes qu’il s’évertue d’emprunter. De toutes les façons, il n’y a pas pour moi peu d’espoir pour nos petits Etats en dehors du panafricanisme. Je crois que notre génération doit absolument réussir l’Union africaine. Le Sénégal en sera un des grands acteurs et bénéficiaire. J’espère surtout que les femmes et les jeunes y joueront un plus grand rôle.
Je vais peut être choquer des gens, ni l’un ni l’autre, je me sens plus citoyen planétaire pétri de valeurs sénégalaises, égyptiennes, canado-québécoises certes, mais sans avoir développé une appartenance frileuse à aucune d’elles. En fait, je crois que j’ai un petit problème avec les nationalismes, quoique dès qu’il s’agit de défendre la patrie, je suis aux premiers rangs. Je sais c’est paradoxal, mais je défends les autres pays d’Afrique comme si c’était les miens, au point même que des burundais, des sud-africains m’ont pris pour un des leurs. Disons que j’appliquerai bien pour un passeport transnational s’il existait!
RGSC : Quels sont vos rêves, vos ambitions et vos projets?
Je me suis fait quelques ennemis, mais j’aimerai tout de même pouvoir vivre assez longtemps pour continuer de participer à la construction de l’Afrique et à une autre mondialisation. Et si ce n’est pas trop demander, finir sur une île dans mes vieux jours et y vivre écologiquement de façon autosuffisante entouré de gens que j’aime.
RGSC : Nous aimerions que vous puissez formuler vous-même le mot de la fin de cette entrevue…
RGSC :
Encore un grand merci Aziz Fall d’avoir bien voulu participer à cette entrevue et d’avoir accepté de vous livrer ouvertement au profil de nos lecteurs sénégalais et sénégalophiles. Merci de nous avoir permis de vous connaître mieux.
Au nom du RGSC et de toutes vos consœurs et tous vos confrères africains, merci de combattre pour la justice et l’équité. Votre dévouement inlassable est un exemple à suivre et nous vous en sommes profondément reconnaissants.
Propos recueillis par Julie "Bintou" Bienvenue webmaster@rgsc.ca
jeudi 8 octobre 2009
Discours du lancement de l’Exil – Mercredi 7 Octobre 2009
Voilà, c'est fait, je viens de vivre le lancement de mon premier texte "Partis trop tôt, trop loin: L'Exil". Pour ceux qui n'y étaient pas, j'aimerai partager avec vous les quelques mots que j'y ai évoqués. Le discours se trouve ci-dessous.
Pour ceux qui voudraient me laisser un message au sujet de l'évènement de ce soir ou du livre, c'est possible ici: http://www.editionsphoenix.net/auteurs/Ndack-LivreDor.html
Bonne lecture !
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Bonjour,
Merci à tous d’être venu me soutenir pour le lancement de mon premier roman. Je suis reconnaissante envers mes parents et amis, ainsi qu’aux organismes communautaires et universitaires d’avoir bien voulu diffuser l’information de cet évènement.
Je remercie vivement Ali Diallo et la toute nouvelle équipe des Éditions Phoenix, qui sont basées aux États-Unis. C’est grâce à cette maison d’édition que mon manuscrit a quitté le disque dur de mon ordinateur pour être disponible au public. Je dis bravo à Bara Mbaye, graphiste résidant au Sénégal, pour avoir su reproduire mes écoliers imaginaires sur la couverture du livre. Je remercie également Khady Beye des Conceptions KB et Idiatou Diallo de l’agence PluriCom, basées toutes deux ici à Montréal, d’avoir organisé ce lancement. Nous sommes tous des jeunes qui débutons dans le métier avec nos propres moyens, et nous avons travaillé ensemble malgré les distances qui nous séparent, grâce aux nouvelles technologies de l’information. Nous espérons que vous apprécierez ce fruit de notre première collaboration.
Pourquoi ai-je voulu publier ce texte ? Vers la fin de mon secondaire, juste avant de quitter Dakar pour m’installer à Montréal, j’aurai aimé savoir quelles étaient les réflexions, exprimées très simplement par de jeunes étudiants de ma génération durant leur séjour à l’étranger. Ce sont de telles réflexions que j’aimerai faire ressortir au bout de la trilogie Partis Trop Tôt, Trop Loin. Le rôle de ce premier volume, L’Exil, est de planter le décor en jetant un regard sur les réalités de jeunes étudiants étrangers, afin de nous aider à mieux comprendre les difficultés de leur condition.
L’Exil est un roman autobiographique, car j’ai ressenti, à un moment ou à un autre, les émotions de chacun des personnages. Ensuite, pour leurs caractères, leurs personnalités et pour l’histoire en tant que telle, j’ai puisé dans les expériences de vie de mes contemporains. Il s’agit donc d’un témoignage, d’un condensé de faits vécus. Je vais commencer par vous en lire deux extraits. Le premier développe une réflexion de Marième qui est originaire de la ville de Dakar et qui vient de terminer ses études à Montréal. Je l’ai légèrement modifié pour l’occasion, afin d’en rendre la lecture plus facile. Marième se confie ici à une de ses amies. L’extrait débute ainsi:
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« Tu sais, quand je suis venue ici, je venais tout juste d’avoir dix-huit ans. Je venais de terminer mon Secondaire et mes parents ont fait toutes sortes de sacrifices pour me permettre d’avoir une formation universitaire reconnue partout dans le monde. Évidemment, j’étais heureuse de partir et reconnaissante envers eux. Le seul problème, et ce n’en est pas un petit, c’est qu’ils m’ont envoyée en Amérique du Nord presque sans aucune préparation mentale. Je l’ai compris au fil des années, mais à l’époque je ne réalisais pas qu’étudier à l’étranger, c’était aussi et surtout immigrer temporairement. Je pense même que mes parents ne le réalisaient pas non plus parce qu’après m’avoir fait changer de continent aussi jeune, ils s’étonnent encore aujourd’hui de voir que j’ai beaucoup changé culturellement.
Au moment du départ, tu te dis que tu pars pour acquérir du savoir, des connaissances qui vont te permettre de faire un travail intéressant une fois de retour au pays. Mais cela ne se passe pas toujours comme prévu. D’abord la date de retour n’est pas évidente à fixer. Puis une fois rentrée, la réadaptation n’est pas évidente d’après ce que des amis qui ont tenté l’expérience m’en ont dit.
En vérité, un étudiant étranger est un immigrant, le mot n’est pas fort. Tu vis ici pendant des années et il faut bien que tu t’adaptes, que tu échanges avec les gens, que tu changes certaines de tes habitudes parce que l’environnement est très différent de celui que tu connaissais, etcetera. En plus, l’étudiant étranger est un immigrant qui a moins de droits que les autres parce que dans ses papiers et même dans sa tête à lui, il n’habite pas ici. Il est juste de passage quoi, comme un touriste de longue durée qui doit se prémunir d’une assurance-maladie privée et qui doit renouveler régulièrement son visa.»
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Le second extrait est une réflexion d’Ousmane dans un train quittant une banlieue de Paris. Il est lui aussi originaire de Dakar mais il est allé faire ses études à Paris.
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« … Il reconnaît que son continent n’a d’autres choix aujourd’hui que de se développer dans un contexte de mondialisation. Mais il faut avouer que les conditions initiales ne sont vraiment pas les mêmes. Les Africains veulent bien rester chez eux et développer leurs pays, mais il faudrait alors leur permettre de protéger leurs économies et leurs ressources, de même qu’il faudrait tisser avec eux des relations commerciales plus équitables.
Mais malgré tout, il y en a qui ne partent pas, qui décident de lutter sur place et qui par conséquent font preuve de beaucoup d’ingéniosité pour contourner les obstacles qui se dressent continuellement devant eux. Et ceux qui vivent en Occident font facilement au moins dix-huit heures par jour, minimisent toutes leurs dépenses, et envoient la presque totalité de leur épargne dans leurs villages d’origine. Ce sont des vies entières d’exil pour l’installation de forages et de pompes à eau, la construction, l’investissement dans de petits projets agricoles et commerciaux, et surtout pour une augmentation du niveau de vie de leurs familles. Puis il y a surtout les centaines de millions de femmes restées au pays, qui sont très débrouillardes, très entreprenantes, surtout depuis qu’elles ont accès au microcrédit. Ce dernier a carrément engendré une petite révolution dans la vie des femmes africaines. La dernière fois qu’Ousmane a lu un article là-dessus, les taux de remboursement étaient de près de quatre-vingt dix-huit pour cent. « La dignité malgré la pauvreté », murmure Ousmane tout bas, tandis que le train quitte l’ombre des tours, le béton, les graffitis. »
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Alors, l’étudiant étranger: c’est toute une histoire ce personnage. Les premiers étudiants étrangers que j’ai connus, sont ceux qui m’ont élevée, à savoir mes parents. J’ai passé mon adolescence dans une maison où sept années passées en France avaient fait de Maman une ingénieure statisticienne, ancienne soixante-huitarde, et poète à ses heures; et où douze années passées au Canada avaient fait de Papa un administrateur de projets très pragmatique, avec toujours une blague amusante à partager. Imaginez la scène quand un problème se posait: l’une théorisait pendant des heures sur la cause du problème pour que cela ne se reproduise plus jamais, tandis que l’autre cherchait une solution pour tout régler tout de suite car dans une heure il avait autre chose à faire. J’ai énormément appris des deux et je les en remercie.
Ayant souscrit à l’adage selon lequel les voyages forment la jeunesse, mes parents ont bien évidemment tout fait pour m’envoyer étudier à l’étranger après mon secondaire. J’étais censée aller à Bordeaux, en France pour y faire un Deug en Mathématiques Appliquées aux Sciences Sociales. Malheureusement ou heureusement, je ne sais pas, un blocage administratif a empêché l’obtention du visa pour la France à temps et j’ai manqué les cours préalables à ma formation. Je ne pouvais donc pas commencer le programme. En plus, le système français est tel que si l’on rate la rentrée universitaire de Septembre, il faut attendre l’année suivante pour suivre son programme. Mes parents ont dit non. Il fallait que je commence l’université en Occident et le plus vite possible, pas dans un an. C’est là que mon père, tout fier, a dit à ma mère qu’il y a une région francophone dans le monde avec des universités bien reconnues sur le plan international et qui commencent leur programme aussi en janvier: bien sûr, le Québec. Ils ont trouvé que c’était une excellente idée, ils ont vidé leur compte d’épargne et je me suis retrouvée trois mois plus tard, le 4 janvier 1997 avec ma petite valise à l’aéroport de Mirabel.
Nouvelle génération d’étudiants étrangers à l’aube du millénaire. Nouveaux objectifs. Pour les parents, c’était différent, ils partaient en véritable pionnier. Ceux qui revenaient en Afrique avaient des pays nouvellement indépendants à diriger. On peut critiquer la façon dont cela a été fait, moi la première, mais il faut absolument reconnaître qu’ils ont réussi quelque chose d’essentiel: nous, leurs enfants, sommes nés dignes sur des terres libres. Même si cette liberté est encore partielle par endroits, elle est bel et bien là, il ne reste qu’à poursuivre le travail entamé. Il y a aussi ceux qui sont restés en Occident après leurs études et grâce à qui lorsque je dis que je suis Africaine, n’importe qui, dans les coins les plus reculés de la planète, a à peu près une idée de ce que c’est, un Africain. Et ça aussi c’est important.
Qu’en est-il maintenant de la nouvelle génération ? Quelles sont nos défis ? Parmi les étudiants étrangers Africains, il y en a qui sont déjà retournés sur le continent pour y travailler, et il y en a qui sont restés vivre en Occident. Quel est le bon choix ? Je ne sais pas s’il existe. La première fois que l’on quitte son pays d’origine, on subit un traumatisme dont on ne mesure la profondeur que bien des années plus tard. Chacun le vit différemment, ce qui fait que chacun en guérit différemment. Puis quelque soit le choix que l’on finit par faire, on a toujours cette impression plus ou moins marquée, d’avoir manqué quelque chose, une autre vie, ailleurs. Moi je suis fortement contre le regret. Je ne me tourne vers le passé que pour y puiser des solutions d’avenir. Autrement, cela ne m’est d’aucun intérêt. Voilà ce que je propose: que chacun d’entre nous, membre de la diaspora, soit définitivement conscient que nous travaillons pour l’Afrique et pour le monde à chaque fois que nous nous rendons utile dans une œuvre digne et humaine. Grâce aux nouvelles technologies de l’information, l’important n’est plus tellement de s’enraciner sur une terre, sur un lieu géographique, mais plus de s’enraciner dans un réseau - ici Africain et j’ajouterai Africophile, comme l’aurait dit mon amie Khady Beye, pour inclure tous ceux qui s’intéressent à l’Afrique quelque soit leurs origines. Il s’agit ensuite de garder le contact avec les membres de ce réseau où qu’elle se trouve dans le monde, et en même temps de travailler avec les gens qui vivent autour de nous en Occident d’où qu’ils viennent, le tout pour apporter une contribution à l’humanité toute entière. Si nous arrivons à intégrer ceci très tôt, nous irons loin, l’Afrique avec, et le monde avec. Ce livre dont nous faisons la promotion aujourd’hui est une petite contribution dans ce sens. J’écris et je continuerai inch Allah d’écrire car nous sommes une nouvelle génération d’Africains dans une nouvelle page d’Histoire du Monde et il faut que nous fassions entendre notre voix. Ce texte, je vous le dédie à tous. Merci.
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vendredi 2 octobre 2009
Ndack à Durala
Ça y est, j'ai fait ma première entrevue radio, à l'émission Durala sur CHOQ.FM. Et ma foi, ça va vite ! D'abord, j'ai voulu parler au début, mais ma gorge était tellement sèche... Il est vrai que j'avais un peu perdu ma voix la semaine dernière, mais cela pouvait très bien être le stress aussi. Heureusement, une bouteille d'eau était posée pour moi, juste à côté, et j'ai pu me désaltérer.
Khady Beye, l'animatrice radio, a été très professionnelle comme d'habitude et elle a réussi à me faire parler sur plusieurs sujets, sur mon roman évidemment ("Partis Trop Tôt, Trop Loin: L'Exil"), mais aussi sur l'Afrique en général.
Il y a une exception quand même, je reconnais avoir complètement esquivé la question sur l'Oscar du mérite que le Président Abdoulaye Wade a remis au Capitaine Moussa Dadis Camara notamment pour "la moralisation économique". C'était tout simplement impossible pour moi de réagir ou de faire un seul commentaire sur ces deux chefs d'État et la crise guinéenne en quelques secondes. Il aurait fallu que l'émission porte là-dessus. Mais Khady a compris mon "Je n'en ai aucune idée" et nous sommes vite passés à autre chose.
Le reste de l'entrevue s'est agréablement bien passé. Khady a su nous faire passer subtilement du livre à nos expériences personnelles d'étudiants résidant à l'étranger. Je donne là une réaction à chaud, je ne me souviens pas précisément de tout ce que j'ai dit, mais je sais que je suis sortie de là en me disant que l'ambiance était chaleureuse, ce qui m'a permis ensuite de relaxer.
Je vous donne le lien de l'entrevue: http://www.choq.fm/archives-dunerivealautre-15136-0.html#archives
Il s'agit de l'émission du 02-10-2009.
Bonne écoute !
PS: Je viens de réécouter l'émission et petite note - quand je dis "communauté", c'est dans le sens "groupe de personnes ayant des intérêts communs", je veux dire "réseau". Par exemple, dans le cas de la diaspora d'un pays donné, travailler ensemble à un intérêt commun comme un projet qui apporte quelque chose de positif au pays d'origine. Je ne parle pas du communautarisme dans le sens "groupe de personnes vivant ensemble" à l'étranger, sous-entendu "et avec personnes d'autres"...