Vers la faillite
Mise à jour le mercredi 27 mai 2009 à 9 h 56
General Motors serait sur le point de se placer sous la protection de la loi sur les faillites.
Le constructeur américain a annoncé mercredi l'échec des négociations avec les créanciers sur la restructuration de sa dette obligataire.
GM proposait à ses créanciers de convertir leurs titres en actions de l'entreprise. Le schéma initialement présenté proposait aux créanciers de recevoir 10 % du capital du constructeur, mais ces derniers ont jugé qu'ils étaient mal traités par rapport à d'autres parties prenantes.
Le numéro un américain de l'automobile s'était fixé pour objectif d'obtenir l'accord de 90 % de ses porteurs de dette obligataires. Mais la réponse a été en deçà des attentes de GM.
De ce fait, le conseil d'administration de GM se réunira pour discuter des mesures à prendre.
La restructuration de 27,2 milliards de dollars de dettes non garanties était l'une des conditions posées par le Trésor américain pour éviter au constructeur un dépôt de bilan. L'échéance a été fixée au 1er juin.
Le Trésor avait prévenu qu'en cas de dépôt de bilan, les actionnaires actuels allaient tout perdre et que les porteurs de titres non garantis pourraient ne recevoir qu'une partie de leur dû.
Une faillite de GM serait la quatrième en importance dans l'histoire récente des États-Unis.
Avec 91 milliards de dollars américains d'actifs fin 2008, une faillite de GM serait la quatrième en importance après la banque d'affaires Lehman Brothers (septembre 2008, 691 milliards d'actifs), la banque commerciale Washington Mutual (septembre 2008, 328 milliards d'actifs) et le groupe de télécommunications WorldCom (juillet 2002, 104 milliards d'actifs).
Selon le quotidien Wall Street Journal, l'État fédéral se retrouverait finalement à la tête d'une participation pouvant atteindre 70 %, reflétant les sommes colossales qu'il va lui falloir injecter dans l'entreprise pendant la durée de sa restructuration sous contrôle judiciaire.
L'administration Obama serait prête à injecter jusqu'à 50 milliards de dollars pour éviter une liquidation pouvant avoir des conséquences en chaîne sur l'ensemble de l'économie du pays.
Par ailleurs, la Commission européenne a demandé une réunion des ministres des Finances et de l'Industrie européens sur l'avenir de GM en Europe. Les Européens craignent la perte de dizaines de milliers d'emplois. Le constructeur américain possède Opel en Allemagne, Vauxhall en Grande-Bretagne et SAAB en Suède.
Radio-Canada.ca avec Agence France Presse
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Le roi déchu
Le Journal de Montréal, p. 29 / Nathalie Elgrably-Lévy, 04 juin 2009
Le constructeur a demandé au tribunal sa mise sous chapitre 11. Théoriquement, cette mesure devrait lui permettre de rester en possession de tous ses actifs, et de négocier les demandes des créanciers, les échéances de ses paiements et le montant de sa dette, tout cela afin d’assurer le retour à la rentabilité. Or, dans le cas de GM, son plan de restructuration donnera naissance à une nouvelle entité détenue à 72% par les gouvernements américain et canadien. Ne serait-il donc pas plus approprié de parler de nationalisation? À moins, bien entendu, qu’on évite d’employer le mot juste pour camoufler l’agenda socialiste de la nouvelle administration!
Évidemment, Washington a promit de rester à l’écart des décisions de gestion. Mais on peut raisonnablement douter qu’il respectera son engagement. L’administration Obama a déjà renvoyé le PDG de GM et a fixé un objectif de vente de 10 millions de voitures annuellement. Récemment, elle s’est réservé le droit de voter sur les questions de gouvernance qu’elle juge fondamentales, mais sans jamais les définir précisément. On peut donc s’attendre à ce qu’elle impose certains choix, comme la construction de voitures propres qui répondront à son souci écologique, ou l’interdiction de construire des véhicules ailleurs qu’aux États-Unis.
Mais indépendamment de l’ingérence de Washington, il faut s’interroger sur l’utilité de la nationalisation.
Tout d’abord, vu les montants investis, il faudrait que la nouvelle entité vende 14 millions de véhicules annuellement pour que l’État commence à récupérer son argent. Or, on voit mal pourquoi la nationalisation inciterait les Américains à accorder leur préférence aux véhicules GM alors qu’ils les boudent depuis longtemps. Le fait que l’entreprise appartienne à l’État serait-il devenu un argument de vente?
Ensuite, il faut se demander comment cette nationalisation affectera la capacité de financement de Ford. Comme Washington possède 60% de GM, il pourrait être tenté d’adopter des mesures ou de voter des lois qui avantageraient la nouvelle société d’État au détriment de ses rivales, créant ainsi une concurrence déloyale contre laquelle personne n’aura de recours. Le nouvel actionnariat public place tous les constructeurs en position de faiblesse par rapport à GM. Dans ce contexte, quel investisseur serait désormais disposé à prêter à Ford? Or, si ce dernier est incapable de trouver les fonds nécessaires à l’achat de capital physique ou de nouvelles technologies, il deviendra moins compétitif et pourrait à son tour recourir au chapitre 11. En voulant «sauver» GM, l’administration Obama est donc peut-être en train de fragiliser davantage les piliers d’une industrie déjà en crise.
Finalement, puisque GM et Chrysler bénéficient des largesses de l’État, ne serait-il pas logique que Ford tente également d’obtenir des fonds publics? Pouvons-nous vraiment espérer qu’elle s’évertue à assainir son bilan si le contribuable peut payer la note à sa place?
Certains diront que cette nationalisation vaut la peine au regard des emplois qu’elle permet de préserver. Or, un calcul rapide montre que, jusqu’à maintenant, chaque emploi maintenu chez GM a coûté 427 000$ aux contribuables américains, et 1,4 million $ aux contribuables canadiens. Pour les raisons invoquées ci-dessus, le coût total sera nettement plus important. On veut sauver l’industrie automobile. Soit! Mais qui sauvera le contribuable?
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
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