Ça ne fait que commencer!
Le Journal de Montréal, p. 29 / Nathalie Elgrably-Lévy, 14 mai 2009
Peut-être les économies canadienne, européenne et asiatique résistent-elles mieux à la conjoncture, mais il est illusoire de penser que l'Amérique est tirée d'affaire parce que Wall Street se ressaisit. D'ailleurs, comment les indicateurs ne s'amélioreraient-ils pas au vu de l'injection astronomique de monnaie à laquelle a procédé la Réserve fédérale? Quand un déluge de dollars s'abat sur une économie, les achats augmentent fatalement, mais ce n'est pas parce qu'on dépense l'argent fraîchement imprimé par la Fed que l'économie prospère. Non seulement une partie importante de cet argent permet-elle d'acheter des produits importés, mais une hausse de la quantité d'argent en circulation sans augmentation proportionnelle de la production n'a qu'une seule et unique conséquence: l'inflation! Peut-être n'en ressentons-nous pas encore tous les effets, mais ce n'est qu'une question de temps.
Quant aux indices boursiers, il faut les mettre en perspective. Si l'injection de fonds et les dépenses gouvernementales étaient une panacée, l'économie américaine aurait dû effectuer un bond spectaculaire en regard des sommes stratosphériques dont il est question. Certes, le Dow Jones a augmenté de 30% depuis février, mais cette hausse apparaît modeste à côté de celle de plus de 50% des indices Hang Seng et Dax. Mais surtout, il faut prendre en considération la croissance soutenue du prix de l'or, et la dégringolade du dollar US, deux phénomènes qui reflètent des anticipations inflationnistes et une détérioration de l'économie américaine.
Dans ce contexte, la hausse du Dow Jones indique que les investisseurs prennent conscience que détenir des dollars américains est un bien mauvais placement, et tentent de protéger leurs avoirs en se débarrassant de leurs liquidités pour acheter des titres financiers. Ce qui semble être de la croissance n'est en réalité qu'une réaction des marchés pour se protéger des ravages de l'inflation attendue.
De plus, un événement passé inaperçu la semaine dernière est néanmoins annonciateur de turbulence économique. En effet, le gouvernement américain a procédé à la vente de bons du Trésor afin de financer le gigantesque déficit causé par ses plans de relance et de sauvetage. Or, peu d'acheteurs se sont présentés: en effet, qui voudrait à prêter son argent à un gouvernement techniquement en faillite qui imprime de l'argent de manière compulsive? Même la Chine, qui jusqu'ici a été le principal bailleur de fonds de Washington, a réduit considérablement ses achats de bons du trésor. Elle avait financé 75% du déficit américain au premier trimestre de 2008, mais à peine 2,7% un an plus tard!
Le hic, c'est que la difficulté à emprunter incite le gouvernement américain à augmenter le taux de rendement des bons du trésor, ce qui se traduira quelques mois plus tard par la hausse des taux d'intérêt, y compris des taux hypothécaires, avec les conséquences que cela implique. Ça le pousse également à imprimer de l'argent, ce qui ne fera qu'envenimer la situation.
Et vu les relations économiques que le Canada entretient avec l'Oncle Sam, nous risquons de subir les contrecoups de leurs politiques économiques extravagantes et irresponsables, à moins, évidemment, de consacrer les prochains mois à développer de nouveaux marchés.
Le pire serait dernière nous, nous dit-on. Je crains au contraire que nous n'ayons encore rien vu!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal.
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Et un éloge d'Obama pour la route !
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Le mystère présidentiel
Le Journal de Montréal, p. 29 / Nathalie Elgrably-Lévy, 28 mai 2009
Barack Obama est adulé dans le monde entier. Chaque décision qu'il prend, chaque parole qu'il prononce, chaque geste qu'il pose, aussi anodin soit-il, est glorifié. On le vénère. On le déifie. On lui accorde une approbation inconditionnelle. Il fait preuve de bonne volonté, certes, mais qu'a-t-il donc accompli pour mériter une telle adoration? Et pourquoi les médias sont-ils si complaisants envers lui alors qu'ils étaient intransigeants avec ses prédécesseurs et ses adversaires?
Sur le front de l'économie, Obama a dépensé plus que quiconque dans l'histoire de l'humanité. Ses mesures coûteront trois fois plus que la Deuxième Guerre mondiale, et vingt quatre fois plus que le New Deal. En un an, il fera doubler la dette nationale accumulée au cours des 200 dernières années. Et en raison des engagements financiers qu'il a pris, cette dette doublera encore dans 10 ans. Serait-ce pour cet endettement historique et pour le colossal fardeau qu'il lègue aux générations futures que certains encensent le nouveau président?
Pour financer les dépenses stratosphériques de l'administration Obama, la Réserve fédérale fait fonctionner à plein régime sa planche à billets. En quelques mois, elle a imprimé tellement d'argent pour financer les choix politiques du président qu'elle a ranimé le spectre de l'inflation, voire celui de l'hyperinflation, avec la perspective d'un appauvrissement généralisé que cela entraine. Se pourrait-il que ce soit la politique monétaire ultra inflationniste de la Fed qui emballe les admirateurs de Barack Obama?
Le Président américain envisage également l'abolition des coupures d'impôts votées en 2001 et 2003, ce qui aura pour effet de décourager le travail, l'épargne, l'investissement et l'entrepreneurship. Or, une telle décision nuit à la compétitivité des industries américaines et compromet la relance.
Pour «sauver» l'économie, le Congrès a accepté de dépenser 787 milliards pour un plan de relance de 1000 pages qu'aucun membre n'a lues. Puis, par souci de «contenir» le déficit, Washington annonce une réduction des dépenses de l'ordre de 100 millions, soit l'équivalent de 0,003% du budget! Est-ce donc à ses coupures budgétaires dérisoires et à ses dépenses titanesques que le président doit sa popularité?
À moins que ce ne soit au fait qu'il ait outrepassé son droit constitutionnel en exigeant le renvoi du PDG de GM? Ou encore parce qu'il a choisi de lancer un vaste chantier de nationalisation en remettant au goût du jour de vieilles idées communistes qui ont fait banqueroute?
Sur le plan de la diplomatie et de la géopolitique, les initiatives du jeune président sont singulières. Il décide de restreindre les échanges commerciaux avec la Colombie, mais il souhaite les intensifier avec Cuba. Il revoie un buste de Churchill que Tony Blair avait offert à Bush et qui se trouvait dans le bureau ovale, mais il accepte le cadeau littéraire d'Hugo Chavez. Il se montre conciliant avec l'Iran qui poursuit ses essais nucléaires sans faire cas des demandes de Washington, mais monte le ton avec Israël, la seule démocratie au Moyen Orient et l'allié des États-Unis de longue date. Il ne s'incline pas devant la Reine d'Angleterre, ce que l'on peut concevoir, mais il gratifie le Roi d'Arabie Saoudite d'une génuflexion qui semble cacher un baisemain. Si un autre chef d'état se rendait coupable des mêmes paradoxes, bénéficierait-il de la même indulgence des médias et de la population?
Obama a subjugué la planète. Or, la nomenclature ci-dessus mérite-elle réellement autant d'admiration? Je repose donc la question: qu'a fait Obama de si exceptionnel pour justifier tant de louanges?
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal.
3 commentaires:
Bon, là tu commences à me faire peur. Autant pour l'économie que pour Obama. Parce qu'autant sa victoire était la victoire des noirs américains, autant son échec sera le leur à jamais...
Cher Toun,
Pour l'économie, je suis d'accord avec le fait que c'est assez mal géré en ce moment car on n'est pas entrain de s'occuper de l'économie en faisant de l'économie mais en faisant de la politique.
Mme Elgrably-Levy est pour le capitalisme pure et le Prix Nobel, M. Krugman est quant à lui très à gauche dans le social: les deux sont ouvertement contre la position très centriste de Obama - pour Mme il en fait trop et pour M. il n'en fait pas assez ! Je suis d'accord avec les deux, dans le sens qu'il faut choisir une direction et y aller jusqu'au bout pour s'en sortir. Parce qu'actuellement, on est entrain de mettre du sparadrap sur un cancer... Les changements à faire sont fortement structurels mais je reconnais cela est difficile à réaliser dans n'importe quel pays du monde pour n'importe quel président. Obama le sait et il l'a même dit le jour même où il a été élu dans son discours. Lui seul n'y arrivera pas, il faudra plusieurs générations de présidents (et des bons !). Ce qu'il peut faire pour le moment, ce sont des changements symboliques comme fermer Guantanamo et se réconcilier avec Cuba... Quant à l'économie, il n'a rien fait que Bush n'avait pas commencé à faire. En effet, c'est ce dernier qui a commencé à injecter de l'argent à Wall Street. Mais c'est qui aussi Wall Street ? C'est l'argent de qui dans les banques ? C'est nous tout ça ! Et personne ne s'en plaignait quand ça rapportait gros même s'il fallait faire travailler des gens dans les pires conditions qui soient loin quelque part en Asie ou en Afrique... Maintenant que cela va mal on cherche un bouc émissaire: le trader, le banquier...
Puis on ne peut mettre tout sur le dos du président aux États-Unis - la plupart de ses idées doivent être approuvées par le Congrès et le Sénat pour passer. Je me souviens d'ailleurs que pour faire passer au Congrès le premier Bill de Wall Street, ce n'était pas du gâteau pour Bush.
En tout cas, quand cela ira mal, il ne faudra pas jeter la pierre à Obama: c'est le capitaine d'un bâteau qui a quitté son port et choisit sa trajectoire bien avant sa naissance à lui...
Certainement, mais nous tendons à avoir une courte mémoire. Nous risquons -soutenus par les médias- d'oublier les pages d'histoire et le passé quand l'heure des bilans (provisoires) aura sonné...
On ne peut mettre la cause de tous nos problèmes sur le dos d'un seul homme, il y de nombreux facteurs qui rentrent en jeu. Mais la tendance des humains est à la recherche d'un bouc émissaire. C'est toujours plus facile...
Que sera sera, et qui vivra verra.
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