vendredi 6 mars 2009

Tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens...

J'avais été déçue de voir que l'éditeur de "Noir Canada: pillage, corruption et criminalité en Afrique" faisait face à des poursuites abusives. Ces petites maisons d'édition qui luttent pour donner une autre version de l'histoire - celle écrite par les plus faibles - se font souvent écraser par les puissants de ce monde. Mais ça bouge, et au Québec on se mobilise...

Le Devoir

Le projet de loi contre les SLAPP revivra

Alexandre Shields

Édition du vendredi 06 mars 2009

Plusieurs organismes demandent à la ministre de la Justice d'agir rapidement

Le projet de loi pour contrer les poursuites-bâillons, mort au feuilleton l'automne dernier, devrait être de retour dans le menu législatif de l'Assemblée nationale au cours des prochaines semaines, a confirmé hier au Devoir une source au ministère de la Justice. De quoi réjouir les organisations qui luttent contre les SLAPP, notamment les Éditions Écosociété, qui viennent d'essuyer un nouveau revers devant les tribunaux.

Bien consciente que les travaux étaient «très, très avancés» avant le déclenchement des élections provinciales, la nouvelle ministre de la Justice, Kathleen Weil, entend donc reprendre là où on avait laissé. Cela devrait se faire «très rapidement», a-t-on indiqué hier à Québec. D'ailleurs, a-t-on rappelé, les quatre partis politiques présents à l'Assemblée nationale sont favorables à l'adoption d'un tel projet de loi.

Le projet de loi 99, «loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l'utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d'expression et la participation des citoyens aux débats publics», avait franchi presque toutes les étapes devant mener à son adoption. Or le déclenchement des élections provinciales a fait en sorte qu'il est mort au feuilleton.

Le retour de ce dernier dans les priorités gouvernementales devrait soulager quelque peu les organisations qui militent contre ces poursuites, qualifiées d'abusives par plusieurs. Des dizaines d'entre eux s'étaient d'ailleurs donné rendez-vous hier devant le Palais de justice de Montréal, invitant la ministre Weil à agir promptement dans ce dossier.

«Nous demandons que le gouvernement mette sur pied un fonds d'aide aux victimes dans le but de favoriser l'accès à la justice, et souhaitons qu'un mécanisme de révision de la loi soit mis en place afin de s'assurer de son efficacité dans quelques années», a aussi plaidé une porte-parole de la Ligue des droits et libertés, Lucie Lemonde.

«Nous espérons également que Mme Weil respecte l'engagement de l'ancien ministre de la Justice et fasse en sorte que cette loi s'applique aux causes actuellement devant les tribunaux», a pour sa part demandé Guy Cheyney, des Éditions Écosociété. Il faut dire que le petit éditeur fait lui-même face à deux poursuites relatives à la publication du livre Noir Canada: pillage, corruption et criminalité en Afrique. La multinationale Barrick Gold lui réclame pas moins de six millions de dollars, jugeant que l'ouvrage publié l'an dernier est diffamatoire. Le procès n'a toujours pas commencé.

Une autre société aurifère, Banro, poursuit l'entreprise québécoise pour cinq millions de dollars devant les tribunaux ontariens. Écosociété vient d'ailleurs de voir sa requête pour le rapatriement de la poursuite au Québec être rejetée par une cour ontarienne. Selon ce qu'a indiqué hier l'un des auteurs de l'ouvrage, Alain Deneault, cette décision sera portée en appel.

«On nous poursuit pour cinq millions de dollars en Ontario alors qu'il n'y a que 83 exemplaires du livre qui ont été distribués et pas nécessairement vendus. Ça fait quelque 60 000 $ de dommages par exemplaire. On frise l'absurde et c'est pour cette raison qu'on conteste la décision d'un tribunal ontarien d'entendre la cause», a expliqué M. Deneault.

Le couple Serge Galipeau et Christine Landry estime lui aussi faire l'objet d'une poursuite-bâillon, de 1,2 million $, pour avoir dénoncé l'émanation de gaz toxiques provenant du dépotoir Dépôt de matériaux secs, de Cantley en Outaouais. En plus des sommes importantes engagées pour faire face à la poursuite, M. Galipeau constate que «la grande majorité des gens qui demeurent autour du dépotoir ont cessé de se plaindre, malgré le fait que des gaz continuent de s'échapper de l'endroit».

Si le Québec va de l'avant, il deviendra la seule province canadienne à disposer d'une loi pour contrer les poursuites-bâillons.

***

Avec La Presse canadienne


2 commentaires:

Rey Feliz a dit...

Non pas la seule province, mais la première. Nous sommes dans un système où le précédent fait loi. Ça aiderait sans doute. Cheers. Toun

Ndack a dit...

J'espère effectivement qu'une brèche va s'ouvrir Toun, on croise les doigts !