lundi 12 avril 2010

Clameurs

Chers lecteurs,

Malgré le long silence de ce blog depuis que j'essaie de passer la derrière ligne droite de ma thèse, je me dois de partager avec vous cette (re)découverte. Vous souvenez-vous de ma crise(!) après l'élection d'Obama ? Les séquelles sont encore là d'ailleurs, on le voit dans le post précédent... Dans une auto-psychanalyse un an plus tard j'ai compris ce qui l'a déclenché. En fait, consciemment ou pas, peut-être par la façon dont j'ai été élevée au Sénégal et ensuite grâce à un contact très cordial que j'ai eu avec le Québec (avec qui je ne partageais pas un passé commun basé ni sur l'esclavage, ni sur la colonisation), j'ai pu vivre en tant que jeune fille puis en tant que jeune femme tout simplement pendant des années. Mais à l'élection d'Obama, pour la première fois, j'ai été forcée de vivre en tant que jeune femme NOIRE. Des gens que je ne connaissais pas me souriez et me félicitez parce qu'un Noir était à la Maison Blanche et comme je suis Noire, ils s'attendent à ce que je scande aussi Yes we can ! C'était comme une atteinte à ma liberté individuelle - puisqu'à priori, juste de par mon faciès, je ne pouvais pas être républicaine, ce qui n'avait rien à voir puisque c'est un choix politique. Bref, je devais forcément être fière parce que Obama est noir, je suis noire et les États-Unis ne sont pas mon pays, mais c'est quand même la première puissance mondiale... Cette catégorisation dont je faisait l'objet (heureusement temporairement car l'émotion est retombée) m'avait secouée au plus profond de moi.


Et là, tout à coup, en me balandant sur le net le temps que de cuire un gigot au four (miam!), je tombe sur l'album Clameurs de Jacques Coursil. En fait, Frantz Fanon avait déjà dit tout ce que je voulais dire sur ce sentiment que j'ai ressenti après l'élection (voir les parties du texte que j'ai mises en gras)... Comme quoi on n'invente rien ! Toujours retourner aux classiques...

Bien à vous,

---

Textes de Frantz Fanon, Paroles de la pièce de musique Frantz Fanon 1952 de l'album "Clameurs" du célèbre trompettiste Jacques Coursil:

http://coursil.com/2_music%20clameurs.htm



Frantz Fanon 1952

Livret Jacques Coursil tiré de Peau Noire Masques Blancs par Frantz Fanon
Editions du Seuil Paris 1952

OUI,
L’homme est un OUI.
Mais c’est un NON aussi.
Non, au mépris,
Non, au meurtre de ce qu’il y a de plus humain dans l’humain : la liberté.

Des tonnes de chaînes,
des orages de coups,
des fleuves de crachats
ruissellent sur mes épaules.

Je sentis naître en moi des lames de couteau.
Et plus violente retentit ma clameur.
Eiah !
Je suis nègre.

Mais je n'ai pas le droit de me laisser ancrer.
Non !
je n’ai pas le droit de venir et de crier ma haine.
- pas le droit,
de souhaiter la cristallisation
d’une culpabilité
envers le passé de
ma race -
Dois-je me confiner
à la répartition raciale de la culpabilité,
Non, je n'ai pas le droit d'être un Noir.
- je n’ai pas le droit d’être ceci ou cela…
Le Nègre n’est pas, pas plus que le Blanc.
Je demande qu'on me considère à partir de mon Désir.

Je me reconnais un seul droit :
celui d’exiger de l’autre
un comportement
humain.

Le malheur et l’inhumanité du Blanc
sont d’avoir tué l’humain
quelque part.
Le malheur du nègre
est d’avoir été esclave.
Mais je ne suis pas esclave
de l'esclavage
qui déshumanisa mes pères.

Je suis homme
et c'est tout le passé du monde
que j'ai à reprendre.

- la guerre du Péloponnèse
est aussi mienne
que la découverte de la boussole.
Je ne suis pas seulement responsable
de Saint-Domingue -
La densité de l'Histoire
ne détermine aucun de mes actes.
Je suis mon propre fondement.


Exister absolument.
Je n'ai ni le droit ni le devoir
d'exiger réparation
pour mes ancêtres domestiqués.
Pas le droit de me cantonner
dans un monde de réparations rétroactives.
Je ne suis pas prisonnier de l'Histoire
Il y a ma vie prise
au lasso de l'existence.
Il y a ma liberté.
Il n'y a pas de mission Nègre ;
Pas de fardeau Blanc
pas de monde blanc
pas d'éthique blanche,
pas d'intelligence blanche.
Il y a de part et d’autre du monde
des humains qui cherchent.


Ô mon corps,
fais de moi toujours
un homme qui interroge !


---

http://www.africultures.com/php/index.php?nav=personne&no=14262


1938 naissance à Paris.
1958-61 séjourne et étudie au Sénégal et en Afrique de l'Ouest.
1965-69 s'installe à New York où il participe à la révolution du free jazz.
1969 de passage à Paris, enregistre "Way Ahead" et "Black Suite", puis disparaît du monde la
musique pour se consacrer à sa carrière de linguiste.
2005 John Zorn lui propose de ré-enregistrer. "Minimal Brass" relance sa carrière.
2007 sortie de "Clameurs" au printemps, répétitions à l'automne pour remonter sur scène à La
Dynamo de Banlieues Bleues.
Il a joué avec Sun Ra, Albert Ayler, Sunny Murray, Frank Wright, Burton Greene, Anthony Braxton, Rocé…
2007 Jacques Coursil, Clameurs. Suites Enchaînées. Universal Jazz/France

Jacques Coursil, trompettiste, esthète, linguiste, et grand passant du 20ème siècle, célèbre son retour à la scène pour ouvrir en beauté, en beautés ténébreuses, la 25ème édition de Banlieues Bleues. Coursil, le fils d'exilés martiniquais dans la France de l'entre-deux guerres, de l'après-guerre, de la décolonisation, du post-colonialisme ; Coursil, accueilli dans la maison et la famille de Léopold Sédar Senghor à Dakar, accueilli dans l'orchestre et la famille de Maynard Ferguson à New York, puis parmi les bataillons d'enfants terribles du free jazz, avec lesquels il revient et disparaît aussitôt, à Paris, au tournant des années 70 ; Coursil, élève de Noël Da Costa du côté classique du contemporain et élève de Bill Dixon du côté jazz du contemporain, auteur de deux grands disques de musique spectrale, où l'improvisation se fait mystère. Coursil, qui disparaît pour réapparaître comme professeur en sciences du langage à l'Université de Caen, puis à l'Université des Antilles-Guyane et à la Cornell University dans l'État de New York. Il dit alors : "Le dialogue, lieu de parole, est aussi par nécessité, un espace de silence." Il dit aussi : "Ainsi dans le dialogue, parler est un événement, et entendre, une constante." Ainsi dans les dialogues que Jacques Coursil, musicien inespéré, accueilli d'abord par John Zorn pour une imaginaire fanfare en solo démultiplié, désormais produit sur Universal Jazz / France, instaure entre sa trompette des profondeurs et les clameurs des poètes et des écrivains qu'il pratique : Frantz Fanon, Edouard Glissant, Monchoachi, Antar... Jacques Coursil le trompettiste qui parle toutes les langues secrètes de la musique des sphères, sa syntaxe sobre de logicien et sa grammaire sombre d'émotions. Jouer est un événement - et ce concert d'ouverture, où il présente sur scène son chef d'oeuvre discographique de 2007, soit les oratorios contemporains de "Clameurs", en sera assurément un.

lundi 25 janvier 2010

Histoire France-Haiti

Il me fallait faire un tour sur ce blog et écrire quelque chose sur Haiti, mais avec l'émotion je n'arrivais pas à trouver les mots justes. Il ne s'agit pas uniquement du tremblement de terre, et il ne s'agit pas seulement d'Haiti. Comme avec l'élection de Barack Obama, il ne s'agissait pas seulement d'une élection présidentielle. Lorsqu'une personnalité ou un peuple noir fait la Une tous les jours dans les médias partout dans le monde, je suis toujours sans voix face au poids que la couleur noire a dans les réactions des uns et des autres. Le sentiment d'un voile qui se déchire et qui révèle des tabous de l'Histoire sous le prétexte de l'évènement du moment. Et à chaque fois, bien que je sois avertie et que je n'apprenne rien de nouveau, je me sens comme trahie par l'histoire officielle. Voilà pour les mots.

Je vous propose maintenant d'écouter cette émission en 2 parties de Taddei sur Haiti. Après l'émotion, la réflexion:
http://www.dailymotion.com/video/xbx3yk_seisme-en-haiti-debat-partie-1_news

http://www.dailymotion.com/video/xbx47s_seisme-en-haiti-debat-partie-2_news

Pour la partie sur les USA vers la fin de l'émission, voir l'exemple de Columbia University:
http://www.ias.columbia.edu/academics/academics.html

100% d'accord avec Thuram, notre pire ennemi, c'est l'ignorance. Je retourne à mes études...

mercredi 4 novembre 2009

À bientôt.

Chers lecteurs,

Ce blog est mis momentanément en veilleuse, le temps de finaliser un chapitre de thèse.

À bientôt !

Ndack

vendredi 23 octobre 2009

Conférence «Une hyperprésidence à la française: Sarkozy = Obama + Poutine?»

*
J'ai trouvé cette conférence de Mr. Claude Emeri extrêmement intéressante. Il nous définit le modèle politique français et nous en explique l'évolution depuis De Gaulle. Cela dure une heure, mais je vous recommande de l'écouter jusqu'au bout, vous ne le regretterez pas. Il nous parle de démocratie passée, de monocratie et de monarchie élective actuelle et de webcratie future...

http://tv.uqam.ca/?v=52576


Bonne écoute !
*

jeudi 22 octobre 2009

Les émigrés africains transfèrent chaque année 40 milliards de dollars dans leurs pays d'origine

*
Dans les premiers d'économie, ce que le professeur explique aux étudiants c'est que les ressources que nous avons sur terre sont rares et que la science économique nous donne les outils nécessaires pour une utilisation efficace et optimale de ces ressources. Les outils sont là et sont suffisamment bien utilisés par certains. Pour d'autres, il y a encore un monde entre la théorie et la pratique. Nous avons encore beaucoup de travail à abattre pour la croissance et la réduction des inégalités en Afrique. Surtout au niveau des choix de politiques économiques.

---

Les émigrés africains transfèrent chaque année 40 milliards de dollars dans leurs pays d'origine
LE MONDE | 22.10.09 | 10h17

'Afrique reçoit des sommes considérables des migrants partis travailler sur d'autres continents, mais le manque d'information, de concurrence et de régulation empêche cet argent d'agir pleinement sur le développement. C'est ce que révèle un rapport de l'International Fund for Agricultural Development (IFAD), publié jeudi 22 octobre à l'occasion d'un forum sur les transferts de fonds organisé à Tunis par cette agence de l'ONU, pour mobiliser banques centrales et gouvernements sur la question.

La première surprise de ce rapport tient en un chiffre : d'après l'IFAD, 40 milliards de dollars (26,7 milliards d'euros) sont envoyés chaque année à leurs proches par les émigrés africains. Ce montant était jusqu'alors inconnu, mais il était estimé entre trois et quatre fois moindre.

"L'Afrique avait toujours été une énigme en ce qui concerne les transferts de fonds", explique Pedro de Vasconcelos, économiste à l'IFAD et coauteur de ce premier état des lieux. "On les évaluait généralement entre 10 milliards et 17 milliards de dollars. Même les banques centrales africaines n'avaient aucun chiffre."

Ce manque d'information a des conséquences en cascade : "L'impact des transferts est colossal, mais sous-utilisé. L'argent est là; le problème, c'est le manque d'options. N'ayant pas conscience des montants en jeu, les gouvernements ne se préoccupent pas de réguler le marché ou de rendre ces sommes productives, pas plus que le secteur privé", explique M. de Vasconcelos.

Résultat, le marché des transferts est détenu à 64 % par deux acteurs seulement, Western Union et MoneyGram. Faute de concurrence, le taux des commissions est d'environ 10 % en moyenne en Afrique – où il peut même atteindre 25 % –, contre 5,6 % en moyenne dans le monde.

"Si on réduit ce taux de moitié, 2 milliards de dollars de plus arrivent dans la poche des familles chaque année, résume l'économiste de l'IFAD. En Amérique latine, l'ouverture du marché a fait chuter les taux de 15 % à moins de 5 %."

La concurrence aurait un autre avantage : la multiplication des points de retrait, dont les zones rurales africaines sont largement dépourvues. Or un tiers des transferts sont destinés à des familles rurales. "Le Mexique dispose d'autant de points de retrait que toute l'Afrique, avec une population dix fois moindre", compare M. de Vasconcelos. "Pour beaucoup d'Africains, aller chercher cet argent, c'est un ou deux jours de travail perdus."

L'agence des Nations unies propose de transformer les bureaux de poste en points de retrait, alors qu'ils n'en ont aujourd'hui pour la plupart ni le droit ni les moyens. L'IFAD vient de signer un accord avec l'Universal Postal Union pour travailler en ce sens.

D'autres solutions existent. Au Kenya, le téléphone mobile devient un des moyens les plus économiques d'effectuer des transferts d'argent. Le Kenya est aussi un des rares pays à autoriser les institutions de microfinance à opérer ces envois de fonds. Dans toute l'Afrique, ces organismes ne forment que 3 % des points de retrait. Leur ouvrir le marché des transferts suffirait à doubler le nombre de guichets, selon l'IFAD.

Surtout, au lieu d'un simple mécanisme de consommation, "cela créerait une dynamique locale d'épargne et de microcrédit, qui donnerait une tout autre dimension à l'économie", estime M. de Vasconcelos.

Car si l'essentiel de l'argent des transferts de fonds sert à faire face à des dépenses de première nécessité – nourriture, logement, santé ou éducation –, "5 à 10 milliards de dollars sont disponibles pour l'épargne et l'investissement", selon le rapport. Des sommes capitales en pleine crise économique, alors que l'aide publique au développement s'essouffle et que les investissements directs étrangers s'effondrent.

Les transferts des migrants souffrent eux aussi : ils ont chuté de 12,7 % depuis le début de l'année selon l'IFAD. Un choc d'autant plus rude que ces envois avaient connu une croissance moyenne de 17 % dans le monde depuis dix ans, et que "par rapport à d'autres régions, l'Afrique dépend vraiment des transferts de fonds", précise M. de Vasconcelos.


Grégoire Allix
Article paru dans l'édition du 23.10.09


La BAD tente de remédier à se problème: Voir cet article
Intéressant de voir d'ailleurs dans cet article le rôle de la France, ancienne puissance coloniale, dans la régulation de ces fonds...
*

mercredi 21 octobre 2009

Lancement de "L'Exil"

*
Aujourd'hui, j'aimerai partager avec vous la vidéo du lancement de mon premier roman, "Partis Trop Tôt, Trop Loin: L'Exil". Ce fut une très belle soirée, super bien organisée par les Conceptions KB - vous l'avez deviné, KB c'est pour la journaliste Khady Beye:

http://www.editionsphoenix.net/videos/ndack/exil/lancement.html


Je suis aussi passée à l'émission Tam-Tam Canada de Radio Canada International avec Raymond Desmarteau:

http://www.rcinet.ca/rci/fr/emissions/archives/archivesDetails_1946_15102009.shtml

Je suis passée au début de la deuxième partie de l'émission.

Bonne écoute !
*