lundi 25 mai 2009

Fuite des cerveaux

Le professeur Mamadou Diouf dirige l'Institut Afrique de l'Université Columbia aux États-Unis. Il a accordé le 18 mai dernier un entretien à Pressafrik.com dans lequel il donne sa lecture de la situation politique actuelle du Sénégal. Politique mis à part, j'ai apprécié son analyse sur la fuite des cerveaux dont l'extrait est ci-dessous.

En effet, il est difficile de rester sédentaire quand la curiosité intellectuelle est plus forte - on va là où les opportunités se trouvent tout simplement. Ainsi, j'ai des amis d'enfance qui sont retournés au Sénégal pour y vivre après leurs études à l'étranger: la seule condition était d'avoir un minimum pour vivre correctement. Puis il y en a d'autres qui déposent leurs curriculum vitae... partout dans le monde. C'est sûr qu'il faut un minimum d'argent pour vivre, c'est normal, c'est la base. Mais ensuite les choix des destinations ne se limitent en général pas complètement au revenu. Il y a d'autres facteurs qui entrent en jeu, qu'on ne peut pas toujours dans la sédentarisation et qui varient selon les individus: épanouissement personnel, passions, découvertes, défis, liberté...

Extrait:

Aujourd’hui le problème n’est pas de prévenir la fuite des cerveaux


Je pense qu’on se trompe beaucoup. Pour la plupart d’entre eux, ce n’est pas la recherche d’argent. L’Afrique ne peut pas résister au mouvement de la globalisation des intelligences. Je ne suis pas persuadé que les gens partent pour l’argent. On a une vision non conforme à la réalité par rapport à l’argent qu’on gagne à l’étranger. L’argent que les gens gagnent aux USA est dépensé aux USA pour leur vie quotidienne, pour la scolarisation de leurs enfants, mais aussi l’argent qu’ils renvoient à leurs familles. C’est vrai qu’ils gagnent beaucoup plus que les sénégalais. Il ne faut pas se faire d’illusions, mais ils dépensent beaucoup plus. Je pense que la plupart d’entre eux ne sont pas partis pour cela.

Dans mon cas personnel je ne suis pas parti pour cela. Quand j’étais au Sénégal et que je travaillais dans une autre institution avec l’université qui est le CODESRIA, j’étais dans une situation meilleure que celle que je vis aux USA. Je gagnais un salaire très décent. Mais à un moment, dans la vie d’une personne les préoccupations intellectuelles sont plus importantes. Et quand on fait partie d’une conversation dont les principaux intervenants ne vivent pas au Sénégal, le fait de se déplacer ailleurs est très facile. Moi je peux me retrouver dans une université chinoise tant que je peux enseigner en français ou en anglais. J’ai des collègues historiens avec qui je discute de la même chose. Ils travaillent sur l’Afrique tout comme moi. Aux USA, les gens avec qui je discute l’histoire de l’Afrique ou du Sénégal sont des américains ou des européens qui vivent et enseignent aux USA.

L’environnement intellectuel dans lequel on vit est très déterminant. Aujourd’hui le problème n’est pas de prévenir la circulation, le départ des gens, mais c’est de recréer la circulation que les gens puissent aller et venir, que les gens puissent effectivement enseigner, faire des recherches dans les conditions les meilleures en Afrique. Et généralement pour les structures universitaires, c’est beaucoup moins cher. Ils peuvent revenir au Sénégal, ils ont besoin probablement d’un logement pour certains, d’un petit perdiem à la place d’un salaire pour d’autres. On ne peut pas arrêter cela parce que cela fait partie du temps, du monde. Le temps du monde aujourd’hui surtout pour des intellectuels postule la circulation, l’engagement et la confrontation des idées en d’autres lieux. Cela peut bénéficier à l’Afrique si elle s’accroche à cette conversation globale qui est celle qui définie aujourd’hui le temps du monde. C’est tout à fait naturel.

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