vendredi 10 avril 2009

Blues en ce Vendredi de Pâques

Cette semaine a été teinté d'une douce mélancolie.

D'abord, j'ai terminé le Procès-Verbal de J.M.G. Le Clézio. Son personnage, Adam Pollo, a eu l'air tellement fou pendant toute la lecture. Mais ensuite, quand on finit le récit de son histoire, la question se pose naturellement: est-ce lui qui est fou ou est-ce nous qui le sommes ? On a envie de croire que c'est lui. À la limite, on dirait "Ça dépend". La théorie de la relativité d'Einstein se vérifie à nouveau...

Hier soir je suis allée au Centre Soufi de Montréal. Durant la Sohba (Parole de sagesse), un mot du Cheikh attira mon attention. Il disait à peu près ceci:

"Dieu a créé l'Homme dans la dépendance. Depuis le jour de naissance, il a besoin de la compagnie des autres hommes pour survivre. En effet, que peut faire un nouveau-né sans un parent, ne serait-ce que pour se nourrir ? Ensuite, il lui faut tout apprendre. Et pour apprendre, il a besoin d'un guide, d'un éducateur qui sera la porte par laquelle passer pour acquérir les enseignements de notre univers. Cela peut-être le père, la mère, un savant, un cheikh (...) Les plus grands prophètes ont tous eu eux-mêmes des guides, qui étaient parfois d'autres prophètes (...) Mais nous devons tous nous soumettre à un guide, pour apprendre sans cesse et sans relâche pour savoir où nous mettons les pieds lorsque nous avançons dans la vie. Aux femmes, Dieu a demandé une soumission à leurs époux qui sont leurs guides. Je sais qu'ici au Québec, dans ce pays où s'est beaucoup développé le féminisme, il est difficile d'entendre une tel conseil, que la femme doit considérer son époux comme son guide. Mais Dieu a demandé cela aux femmes pour leur facilité la tâche, car les femmes sont des reines, des princesses. Les hommes quant à eux doivent aller à la recherche de leur guide, ils doivent chercher et chercher et une fois qu'ils l'ont trouvé, doivent se soumettre à lui. Lorsque le monde des hommes et le monde des femmes sont en équilibre, ce mode de vie apporte paix et sérénité au foyer. Mais souvent, les hommes ne respectent pas leur engagement de soumission envers leur guide, trop souvent ils abusent de leurs droits et tournent le dos à leurs devoirs. Alors leurs épouses, par réaction, se rebellent. Et c'est pourquoi nous avons toutes ces difficultés dans les foyers de nos jours."

Le mot qui m'a frappé dans cette partie de la Sohba, c'est le mot "équilibre". Nous vivons aujourd'hui des déséquilibres persistants, et pas seulement au sein des foyers, mais à tous les niveaux. Un économiste dirait: "Toutes choses étant égales par ailleurs, l'optimum de Pareto serait..." ou "À l'équilibre général, nous aurions..." Et en dehors de ces cadres, tout est sous-optimal ou sur-optimal, sous-évalué ou sur-évalué, sous-estimé ou surestimé, bref c'est le "chaos organisé". Ce que nous vivons.

Ces paroles m'ont fait du bien. Les paroles intelligentes me font toujours du bien. Plus tard, après la Sohba et le Zhikr, des hommes, des jeunes célibataires, sont venus nous servir à manger. Ensuite, ils ont débarrassé et ont fait la vaisselle... Cela aide à rétablir l'équilibre, vu que les femmes font déjà suffisamment la cuisine et la vaiselle à la maison. Et puis surtout, ils le font pour leur Cheikh, pour leur guide.

Où allons-nous avec ces déséquilibres ? Un ami me dit qu'à cause du réchauffement climatique, nous en avons encore pour 150 ans peut-être, selon les environnementalistes les plus pessimiste. Un autre me dit que d'après son Cheikh, nous en avons pour 70 ans. Enfin, un autre encore m'explique que de toutes les façons, la planète se portera bien mieux sans nous.

Je laisse Adam Pollo conclure:

"Ce que je voulais dire. Voilà. Nous sommes tous pareils, tous frères, hein. Nous avons les mêmes corps et les mêmes esprits. C'est pour ça que nous sommes frères. Évidemment, cela semble un peu ridicule, vous ne trouvez pas, de faire cette confession - ici - en plein midi. Mais je parle parce que nous sommes tous frères et pareils. Savez-vous une chose, voulez-vous savoir une chose ? Mes frères. Nous possédons la terre, tous, tant que nous sommes, elle est à nous. Voyez-vous comme elle nous ressemble ? Voyez-vous pas comme tout ce qui y pousse ? Et tout ce qui y vit a nos figures et notre style ? Et nos corps ? Et se confond avec nous-mêmes ? Tenez, par exemple, regardez autour de vous, à gauche et à droite. Y a-t-il une seule chose, y a-t-il un seul élément - dans ce paysage qui ne soit pas nôtre, qui ne soit pas à vous, à moi ? Je vous parle de ce réverbère que je distingue en reflet dans la vitrine. Hein. Ce réverbère est à nous, il est fait de fonte et de verre, il est droit comme nous et porte à son sommet une tête semblable à la nôtre. La digue de pierre, là-bas, sur la mer, est aussi à nous. Elle est bâtie à la mesure de nos pieds et de nos mains. Si nous l'avions voulu, elle aurait pu être mille fois plus petite. Ou mille fois plus grande. C'est vrai. À nous les maisons, pareilles à des cavernes, percées de trous pour nos visages, remplies de chaises pour nos fesses, de lits pour notre dos, de planchers qui imitent la terre, et par conséquent nous imitent. Nous sommes tous les mêmes camarades. Nous avons inventé des monstres - des monstres, oui. Comme ces postes de télévision ou ces machines à faire les glaces à l'italienne, mais nous sommes restés dans les limites de notre nature. C'est pour cela que nous sommes géniaux - nous n'avons rien fait d'inutile sur la terre, comme Dieu lui-même, frères, comme Dieu lui-même. Et je vous le dis, moi, hein. Je vous le dis, il n'y a rien de différent entre la mer, l'arbre et la Télévision. Nous nous servons de tout, parce que nous sommes les maîtres, les seules créatures intelligentes du monde. Voilà (...)"

Beaucoup de vérité dans ces mots. Et pourtant... Une nouvelle page d'histoire ? Surement. Alors retroussons nos manches, au cas où il s'agirait de la dernière page, pour clore 6000 ans d'histoire humaine en beauté.

2 commentaires:

Rey Feliz a dit...

150 ans, c'est le nombre standard sur lequel tout le monde s'entend. Un peu comme le chiffre symbolique des six millions de juifs tués durant la deuxième guerre mondiale. Mais 150 ans ou 70 à compter de quand? Dans un an il en restera t-il 149? 69?

Rafraîchissantes, les paroles du Cheick. Au moins avons-nous l'illusion qu'un tel équilibre est possible. Bouhou, me voilà négatif... J'ai remarqué qu'il s'arrêtait aux "foyers" et qu'il n'étendait pas l'impact de l'équilibre à toute la société. Mais tu le fais bien. Merci. Sans doute s'adressait-il à une audience particulière.

C'est triste de savoir que c'est bientôt fini. 150 ans sur une échelle de 6000, équilbres ou pas, ça passe vite...

Ndack a dit...

La Sohba du Cheikh était intéressante en effet. Il parlait du fait que nous devons tous nous soumettre à un guide et pour cela, notre pire ennemi c'était notre égo.

J'ai retenu surtout le cas des femmes car bien sûr j'en suis une et aussi parce qu'il est rare que ce cas soit aussi bien expliqué. Souvent les gens sont dans le féminisme à fond et traitent les hommes de tous les noms ou alors ils sont dans l'anti-féminisme complet et traitent les femmes féministes de tous les noms. Mais on ne parle presque jamais du non-féminisme tel que l'explique Khady par exemple: http://khady.durala.com/2009/03/femmecant-wait-to-out-my-eyes-on-that.html
Le Cheikh non plus ne parle pas de féminisme mais de déséquilibre du fait que les hommes comme les femmes tournent souvent de nos jours le dos à leurs devoirs et j'ai trouvé cela excellent !

Sinon, cela passe vite en effet. C'est juste que petite, les imams comme les prêtres n'arrêtaient pas de nous dire que nous vivons les derniers jours de notre monde (on se souvient des derniers textes du Nouveau Testament et du Coran sur la fin des temps). Mais quand ce sont des scientifiques ensuite qui te le confirment... Ça donne un coup de blues quoi !