vendredi 28 août 2009

Castes

De temps à autre, je me replonge dans mes lectures de l'école primaire ou secondaire et je redécouvre complètement des oeuvres. Ci-dessous une petite note de bas de page du conte "Le chasseur et son coordonnier ou le comble de l'ingratitude ! Conte bambara", tiré de "Petit Bodiel et autres contes de la savane" (on le retrouve aussi dans "La poignée de poussière") du célèbre Amadou Hampâté Bâ. Ethnologue de formation, j'ai trouvé sa formulation de la source des castes bien faite: c'est authentique mais simple (peut-être un peu trop, comme l'auteur s'adresse d'abord à des enfants, certaines précisions manquent car il s'agit surtout ici du cas de l'Afrique Occidentale). J'ai voulu partager ça avec vous.

L'extrait est le suivant: « Dembagnouma, la mère de Zan Donso, prit l'enfant avec elle et partagea son lait entre les deux nourrissons. Bien que Soridian appartînt à la caste des garanke(2), on le considérait comme le frère jumeau de Zan Donso. »

Et la note de bas de page:
« 2. Garanke: coordonnier. En Afrique traditionnelle, les fonctions artisanales ne sont pas des métiers au sens moderne et économique du terme, mais correspondent à ce qu'on appelle des « castes ». En effet, on naît forgeron ou tisserand, que l'on exerce son art ou non.

Les « castes », qui comprennent non seulement les forgerons, cordonniers, tisserands, bûcherons, potières, etc., mais aussi les diêli (animateurs publics, dénommés couramment « griots ») sont appelés nyamakala, c'est-à-dire « antidotes du nyama » ou « maîtres du nyama », le nyama étant la force mytérieuse qui, à des degrés divers, réside en tout ce qui vit. Leur aptitude à transformer la matière pour créer des formes nouvelles est considérée comme une projection, une reproduction de la fonction créatrice du Dieu suprême. Ils sont censés entretenir des relations occultes avec les éléments de la nature qui correspondent à leurs fonctions respectives: minéraux, végétaux, feu, etc.

Dans chaque branche particulière de nyamakala on se transmet de père en fils, ou de maître à élève, un enseignement initiatique spécifique lié aux secrets de la fonction. Cet enseignement ne se partage pas avec l'extérieur. C'est pourquoi les forgerons se marient entre eux, de même que les tisserands, les bûcherons, etc., d'où la constitution de ce que, faute mot approprié, on a traduit par « castes », bien que ce mot ne comporte pas, comme dans d'autres pays, une notion d'infériorité ou de supériorité. Du moins en était-il ainsi dans les temps anciens. La société africaine était fondée sur le partage des fonctions et l'échange des services. « C'est la guerre qui a créé le horon (noble) et le djon (captif), dit l'adage; mais c'est Dieu qui a créé le nyamakala. » Ce dernier, non astreint au devoir de guerre et non réductible en esclavage, ne « vendait » pas sa production, mais était entretenu ainsi que sa famille par les nobles de son village (généralement chasseurs, agriculteurs ou éleveurs). »

Aucun commentaire: