mercredi 19 novembre 2008

C'est fini les grandes révolutions ?

Je suis tombée cet après-midi sur cet interview du philosophe sénégalais Moussa Kane:
http://www.sudonline.sn/spip.php?article11460
Il y parle en tant qu'acteur de cet évènement qui tient une grande place dans l'histoire de vie de beaucoup de gens de sa génération, à savoir Mai 68.

Je me suis longtemps demandée qu'est-ce qu'il fallait faire pour avoir la chance de participer à ces grandes mutations qui changent les structures les plus profondes de nos institutions politiques, économiques et sociales. Après diverses lectures, je me suis rendue compte ces mutations sont complètement internes à la dialectique de l'histoire du monde: on les accompagne, les canalise lorsque suffisamment mures elles surviennent d'elles-mêmes, mais on ne les crée pas. On fait parti de ces générations qui y assistent ou on n'en fait pas parti.

Mais même si la complexité et la domination de nos économies capitalistes modernes font que les fondements de celles-ci sont maintenant enracinés aussi fortement que des montagnes dans notre aventure humaine, il est permis de croire que nous pouvons quand même réformer certaines facettes de cette idéologie. Mr Kane propose une réforme idéologique pour le Sénégal vers la fin de l'interview: l'Islam confrérique. C'est une proposition, elle est discutable et discutée. Mais l'idée de continuer à penser notre monde, à chercher à en avoir une vision différente, tout en étant réaliste sur le degré de changement de ses fondements, est à mon avis très séduisante.

Les grandes révolutions c'est peut-être fini, mais on peut toujours travailler sur les petites. Comme celle de Mr Yunus avec le microcrédit. À chaque génération ses défis !

6 commentaires:

Rey Feliz a dit...

Je n'ai pas encore vu l'interview. Le temps, si nécessaire à une activité aussi importante que le fait de "penser", vient à manquer quand on s'enfarge dans la routine. Prendre le temps de penser devient un luxe, mais je diverge...

L'idée de continuer à penser notre monde -justement- est certainement ce qui le fait évoluer dans un sens ou dans l'autre. Que serait l'Amérique sans le temps libre qu'ont permis les exclaves aux planteurs de prendre pour "penser". Graham n'aurait pas pu "penser" au téléphone s'il était occupé à creuser des sillons dans ses plantations. Toute seule, la nature suit son court, envahit, deserte, corrige, mute ou transforme. Notre pensée décuple son impact. Donc oui, pensons.

Ce que je questionne par contre, c'est le fait de devoir attendre que les mutations et les changements structurels de nos institutions politiques et sociales surviennent pour les instrumentaliser, les canaliser et les accompagner, pour en fait, "actualiser" nos pensées. Le seul fait d'arriver
à ces conclusions auxquelles nous arrivons, n'est-il pas la preuve que les changements sont là -peut-être pas mûrs, mais bien nécessaires à notre environnement?Ne pouvons-nous vraiment pas rassembler des "penseurs" et les transformer en acteurs pour prendre les devants et sans changer les choses (ce qui est impossible seul), inspirer l'idée du changement aux masses, afin qu'elles le comprennent et le réclament? Le mouvement syndicaliste par exemple, a certes puisé son inspiration dans une idéologie déjà exitante et bien pensée, déjà même mise en place, mais differente du capitalisme, mais il a fallu des hommes et des femmes pour le traduire à leurs pairs, parfois au prix de leur vie, pour qu'aujourd'hui nous ayons des syndicats actifs et respectés.

Je vous laisse sur ces mots et attends vos réactions.

Raïmi

Ndack a dit...

Le fait d'inspirer l'idee du changement aux masses, afin qu'elles le comprennent et le réclament, c'est ce qu'a fait si je ne me trompe pas le President Abdoulaye Wade pendant ses annees dans l'opposition lorsque le Senegal etait sous le regime d'Abdou Diouf. Il a notamment souleve la jeunesse des banlieues de la capitale et en 2000 une alternance democratique s'est realise au Senegal. Durant les premieres annees de l'alternance, le pays a vecu des taux de croissance enviable dans la sous-region mais ce sursaut s'est tres vite essoufle. Et aujourd'hui, tous les experts nationaux comme internationaux s'accordent a dire que le principal et grave probleme du Senegal, ce sont ces institutions. L'appareil d'Etat est malade.

Pourtant, nous avons tous saute de joie en criant vive le changement en 2000 comme cette annee les americains ont crie a la victoire du changement a l'issue des elections passees. Mais 8 ans plus tard, nous nous rendons compte au Senegal que les structures fondamentales du pays n'ont pas change avec l'alternance, pire elles se sont meme fragilises avec le temps. Car peut-etre sommes-nous tous passes completement a cote du probleme: au lieu de chercher a guerir la maladie, nous nous sommes contentes de masquer les symptomes. Mais est-ce que le peuple lui-meme est pret, mur, pour regarder la maladie en face ? Si la reponse est oui, on pourra deja la definir, lutter ensemble pour y faire face et commencer a s'en sortir. Mais si la reponse est non...

Sommes-nous prets par exemple en tant qu'africain francophone a repenser fondamentalement une constitution calquee sur la constitution francaise presque mot pour mot ? Qu'allons-nous mettre a la place ? Deja, pour repondre a cette question, il y a en une qui vient auparavant: Qui sommes-nous ? Et ensuite, sommes-nous libres ? Pouvons-nous dire que nous sommes independants avec une Constitution francaise en guise d'institution supreme ? Ou vivons-nous dans une illusion d'independance ? C'est bien de parler de changement, mais de quel changement parle-t-on ? Et sur quelle ideologie le baser (si jamais on arrive a le definir) pour que toi, moi et le peuple dans son ensemble soient prets a se sacrifier pour elle ? Le syndicalisme comme tu le dis etait base sur une ideologie. Cette base est necessaire.

Piscoblue a dit...

Je ne m'y connaît pas beacoup en droit constitutionel, encore moins dans le contexte africain, mais est-il raisonable de croire que par le simple fait de rédiger sa propre constitution on en viennent tout à coup à accepter à suivre les règles du jeux, même les défendre, bref à changer toute une culture politique? Je peux citer plusieurs pays qui n'ont pas écrit leur constitution qui se débrouille plus que bien.

Ndack a dit...

Piscoblue, j'aurai besoin de deux eclaircissements avant de pouvoir repondre a la question que tu as pose. D'abord, est-ce que les pays dont tu parles avaient une constitution qui a ete ensuite remplace par celle qu'ils n'ont pas ecrite ? Ensuite, cette constitution qu'ils se sont appropriee, est-ce un choix qui a ete fait par une elite (qui a ete meme peut-etre forcee de le faire) a une certaine epoque ou est-ce un choix populaire ?

Piscoblue a dit...

C'est un choix auquel une élite a été forcée, et le pays en question était auparavant une monarchie. Devinette?

Ndack a dit...

Hum... Je crois que j'ai ma petite idee ! Mais si l'elite a ete force et que le peuple a quand meme accepte la nouvelle culture politique, c'est a mon avis que le changement est advenu a un moment ou ce dernier etait pret a l'absorber. Il y a surement eu un murissement quelque part avant l'arrivee du choc. Par contre, dans le cas du Senegal par exemple, il y a eu une elite disons occidentalisee qui a accepte le changement et une autre elite traditionnelle et religieuse qui l'a seulement tolere (par manque de force armee pour repousser l'envahisseur) et qui evolue aujourd'hui encore tres enracinee dans les fondements de sa culture d'antan. Il y a en fait un Etat dans un Etat. Sur le plan politique, le gouvernement officiel se doit de toujours tenir compte des avis de ces chefs traditionnels (qui pourtant ne sont ni des ministres, des senateurs, des deputes, etc.). Et meme dans les activites economiques, ce que l'on nomme le secteur informel (60% du PIB) a en realite une formalisation mais dans des institutions traditionnelles et certains experts (notamment des sociologues) pensent que la taille de ce secteur expriment un rejet du systeme politique et economique impose. Deux systemes politiques paralleles, deux systemes economiques paralleles, avec une majorite de la population tres attiree vers le traditionnel... D'ou mon questionnement sur le timing des changements.