jeudi 24 septembre 2009

Un navire sans capitaine à bord...

Quelques mots de Jacques Attali, l'un de ceux qui ont vu venir la crise, mais aussi l'un des économistes les plus pessimistes qu'en au futur de la planète. Mais a-t-il vraiment tort... ?

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Le G vain

Par Jacques Attali, publié le 21/09/2009 19:27 - mis à jour le 22/09/2009 19:33

Le G 20 de Pittsburgh ressemblera à s'y méprendre à celui de Londres. A la veille de Pittsburgh, comme pour Londres, on dira que la situation s'améliore : de fait, la Bourse va mieux, la production industrielle augmente, l'optimisme est partout, le goût du risque revient : ainsi, lors des six derniers mois, le coût de la protection contre la faillite éventuelle de Bank of America, de Goldman Sachs et de 14 grandes entreprises industrielles a baissé des deux tiers.

Comme avant Londres, tout le monde aura intérêt à le croire, car chacun a des échéances électorales. Cette fois, le président Obama patauge devant le Congrès, qui lui refuse toute réforme, sur le contrôle des banques comme sur la santé ; et Angela Merkel est soumise à reconduction deux jours après Pittsburgh...

Comme avant Londres, la situation est en réalité extrêmement critique. La production demeure très inférieure à ce qu'elle était avant la crise. Le chômage augmente et augmentera, en particulier en Allemagne, en France et en Italie, pays où, selon l'OCDE, le redressement de l'emploi sera "beaucoup plus long que celui de la production" et aboutira à une "crise sociale à part entière". Les fonds propres des banques restent plus que jamais insuffisants. Les produits dérivés sont toujours là, sans aucun contrôle, constituant l'essentiel des activités rentables de bien des banques. La dette publique continue d'augmenter partout, à tel point qu'il est maintenant, et pour très longtemps, impossible aux banques centrales d'augmenter leurs taux d'intérêt, ce qui les prive du pouvoir de lutter contre l'inflation, si elle se déclenche un jour, comme c'est vraisemblable.

Comme à Londres, 27 chefs d'Etat (et non 20) et presque autant de patrons d'institutions internationales se réuniront pendant deux jours et s'exprimeront chacun pendant moins d'une demi-heure. Comme à Londres, ces dirigeants débattront longuement d'un sujet présenté comme essentiel, qui fait aisément scandale et sur lequel ils peuvent faire croire qu'ils ont quelques moyens, mais qui n'a, en fait, qu'un rapport très lointain avec la récession : à Londres, ce furent les paradis fiscaux, facilement dénoncés ; à Pittsburgh, ce seront les bonus des traders, cloués au pilori. Comme à Londres, on prendra quelques décisions bien visibles à leur propos. Et comme à Londres, ces mesures n'auront aucun impact sur la crise et seront contournées : les traders, comme les fraudeurs du fisc, débordent d'imagination...

Comme à Londres, on prendra des décisions, qu'on n'appliquera pas, sur les fonds propres des banques et sur la régulation systémique. Et comme à Londres, on n'en prendra pas sur les menaces de demain : la fragilité des banques, le retour des activités spéculatives, l'absence de contrôle des acteurs financiers non bancaires, tels les fonds d'investissement et les compagnies d'assurances.

Comme à Londres, on prendra mille et une photos, on se congratulera, on se quittera. Puis les dettes publiques continueront d'augmenter, les institutions financières seront de plus en plus instables, le chômage augmentera. Et un jour, sans doute, devant le désastre, il faudra agir. On se retournera alors vers les gouvernements : exsangues, ils ne répondront plus. Il n'y aura plus, alors, de G 20.

2 commentaires:

Rey Feliz a dit...

Ce billet semble être ce qui fait l'essence de ce blog "La crise, un prélude à une autre page d'histoire" vu qu'il adresse la question de la crise. Intéressant d'avoir des points de vue différents, merci de partager ces articles. Le point de vue pessimiste d'Attali ne serait-il pas simplement réaliste? Okay bon, oui, les choses vont aller de mal en pis. Mais au delà de ces questions, il y a que nous devons "comprendre et AGIR." Les actions à prendre ne semblent pas aux mains de ces 27, mais entre les nôtres, citoyens. Quelles sont-elles? Pourrait-on en parler?

Ndack a dit...

Y a-t-il vraiment une différence entre les 27 (je suppose que tu sous-entends là les politiciens) et les citoyens ? Pour ce qui est de l'environnement, qui ne veut pas agir, les politiciens élus par des citoyens ou les citoyens eux-mêmes ? Et en optant qu'il y ait une différence entre les deux, qui a vraiment du pouvoir ? Les gens qui gèrent notre économie, ceux qui créent des emplois et paient le plus de taxe. Comment ont-ils se pouvoir ? Grâce aux consommateurs. Et qui sont ces consommateurs ?...